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girart de roussillon

du Pui, et Dombes et Bellei jusqu’à Mont-Joux[1]. — Ne plaise à Dieu que jamais j’ambitionne aucune terre, sinon celle qu’occupera mon cercueil ! » Maintenant Girart et les siens servent Dieu de tout cœur. S’il a pris la sainte, c’est pour qu’elle leur soit favorable, à eux qui expient leurs péchés en versant des larmes abondantes[2].

669. Le comte dit, tout souriant : « Apportez des vêtements pour ce mien parent. » Ceux à qui il donna cet ordre obéirent promptement. Ils lui[3] présentent du cendé[4], des étoffes de lin[5], une pelisse et un bon et précieux manteau. Mais il repousse tout cela, n’en voulant rien prendre. Le comte alors jura par son serment qu’il lui fallait s’en revêtir : « Cousin, » dit-il, « faites, au nom de Dieu, ce que je désire. Je n’ai plus d’amis, de bons parents qui me sachent bien conseiller, sinon Bertran et Fouque à qui la pauvre gent s’adresse pour obtenir droit et justice. Or, ma terre est si grande, s’étend si loin, qu’ils ne peuvent souvent venir à moi. Et vous n’êtes plus un jeune homme, capable de tirer vanité de son vêtement. D’ailleurs, je vous prends à témoin saint Barthélemi qui, en riches vêtements[6], servit Dieu honorablement. » Le pèlerin finit par se laisser faire.

670. D’abord on le fait baigner, tondre et raser, on lui ôte ses habits et on lui met les neufs. Alors il eut bien l’air d’un baron. Girart, plein de joie, le fit asseoir près de lui : « Que chacun, » dit-il, « me donne son avis ; je vais vous

  1. Voy. p. 4, n. 1. — C’est la leçon d’Oxf. ; dans P. (v. 8823) il y a « et toute la terre jusqu’à Mauguio. »
  2. Mot à mot, si j’entends bien, « des muids de larmes ».
  3. Au pèlerin.
  4. Voy. p. 89, n. 2.
  5. Cansil peut-être simplement une chemise.
  6. Allusion à un passage de la légende de saint Barthélemi. On y voit une idole renvoyer ceux qui venaient la consulter à Barthélemi, qu’elle désigne comme étant vêtu d’une robe de pourpre et couvert d’un manteau blanc décoré de pierres précieuses.