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girart de roussillon

faire part de mes projets. De la terre que je tiens, je veux qu’il en revienne à Dieu une part suffisante pour que cinq cents pauvres[1] et mille confrères en puissent vivre. — Sire, » dit Andicas, « ce n’est pas beaucoup, eu égard à la grande guerre dont tu as la faute, qui a fait sortir de leur pays cent mille hommes. Ton père, de son côté, n’en a pas fait périr un moindre nombre. Mais, puisque Dieu, plein d’affection pour toi, te fait savoir[2] qu’il veut te prendre avec lui, toi et ta femme, rends-toi, ta personne et ta terre, à lui et à sa mère ; ne garde plus ni cité ni mur en pierre de taille. — Sire, notre empereur n’y consentirait pas, car il perdrait le service qui lui est dû. »

671. Ensuite il[3] demanda à Bedelon : « Et vous, que me conseillez-vous au sujet de cet avis ? — Sire, si vous le voulez suivre, je le tiens pour bon, puisque Dieu t’a donné des signes si visibles [de sa volonté[4]], et qu’il t’en a manifesté un autre à Vaubeton, alors qu’il t’a brûlé et réduit en charbon ton enseigne[5]. À cause du tort que tu as eu envers Charles, il ne t’a laissé de ta terre ni tour ni donjon. Maintenant que Dieu te l’a rendue, fais-lui en don. — Cousin Guintrant, je vous en semons : donnez-moi un bon conseil. — Sire, par le commandement de Dieu, David a dit : Beati qui custodiunt judicium et faciunt justitiam in omni tempore[6]. Droite justice vaut bonne prière. — Eh bien ! je la laisserai[7] à Fouque. Je ne sais homme plus capable de tenir grande terre. Jamais les traîtres félons, les faux menteurs, les mauvais larrons n’ont eu la paix avec lui. Pour les chevaliers, il n’y a pas un compagnon pareil,

  1. « Moines » selon P. (v. 8833).
  2. Par les miracles rapportés plus haut.
  3. Girart.
  4. Toujours par les miracles.
  5. Voy. §§ 168-9.
  6. Psalm., cv, 3.
  7. La terre ; cf. §§ 672-3.