Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/115

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versation est restée long-temps sur ce chapitre et sur la manière de rendre la justice en France et en Turquie ; nous nous étonnions tous deux, lui de la lenteur de nos formes judiciaires, et moi de la promptitude avec laquelle procédait la justice musulmane. « J’aurais jugé, disait-il, tous les procès de l’Anatolie, pendant le temps que vos juges passent à examiner une seule affaire ; il faut croire que chez vous les plaideurs ne sont pas pressés, et que la justice n’est pas un besoin, une nécessité de chaque jour. » le cadi ajoutait avec un air de malignité : — Dites-moi si des jugemens qu’on fait si long-temps attendre en sont meilleurs pour cela ? — Je ne savais trop que répondre à cette question, et j’ai répété au cadi ce que j’entends souvent dire aux Turcs : — Dieu le sait.

Comme nous en étions sur les affaires de justice, j’ai voulu parler du procès que nous venions de faire juger Gallipoli. Les détails de ce procès ont fort amusé le cadi ; il nous à félicités d’avoir gagné notre cause ; en homme de bonne compagnie, il s’en est félicité avec nous, puisque le jugement rendu nous avait permis de venir à Artaki. Il aurait bien voulu que nos marins grecs eussent été cités devant lui, et peu s’en est fallu qu’il ne les ait mandés à l’instant, pour les menacer de sa justice. Toutefois le cadi ne comprenait guère un procès, intenté pour aller voir des ruines ; le cas était singulier et le Coran ne l’avait pas prévu.