Page:Michel Corday - Les Hauts Fourneaux, 1922.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

27 février 1916.

René penserait-il à s’engager ? Voudrait-il devancer l’appel de sa classe ?

Aujourd’hui, il a parlé, sur un ton d’envieuse admiration, de ses camarades d’études qui vont s’engager. J’ai senti leur prestige à ses yeux. Et je me demande s’il n’a pas voulu, le plus doucement possible, m’amener à envisager ce projet. Je l’avoue : jamais cette crainte ne m’avait traversé l’esprit. De temps en temps, j’essayais bien de m’accoutumer à l’idée qu’il devrait partir avec sa classe, si elle était mobilisée. Je savais bien qu’il lui faudrait « faire comme les autres ». Ah ! Dans la guerre tout ce qu’expliquent ces quatre mots-là : faire comme les autres ! Mais il me semblait que ça n’arriverait jamais. J’avais encore un an devant moi. Je me persuadais que la guerre serait achevée avant qu’il soit appelé, en tout cas avant qu’il aille au front. Toutes les bribes d’espoir, toutes les chances de paix que je pouvais récolter, je les accumulais. Elles me cachaient l’horizon. Mais s’il partait maintenant…