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COMME JADIS…

de Norvégiens, rudes hommes au poil roux, à l’œil clair. Ils viennent d’un « settlement » prospère, situé au sud de la ligne. Ces gens sont travailleurs, habitués à un climat rigoureux. Impossible de rien comprendre à leur langage : ils sont la première génération importée. Leurs enfants, eux, se serviront surtout de l’anglais. Il est peu probable que la troisième génération entende un mot de norvégien. Voilà ce qui nous différencie, nous, Canadiens français, et pourquoi nous ne voulons pas qu’on assimile notre langue à celle des étrangers qui viennent peupler le pays. Nous sommes chez-nous et notre langue y a sa place de droit.

— Blaisville… Blaisville… Oh ! l’accent du contrôleur pour annoncer la station qui porte ce nom bien canadien…

Au bout du long couloir, voici qu’apparaît une famille canadienne, sans aucun doute possible. La mère retient sa petite troupe et, d’un coup d’œil, choisit la place nécessaire pour caser tout son monde. Il faut croire que mon visage lui donne confiance, car, du menton, elle désigne ma banquette et celle qui lui fait vis-à-vis.

— « Sa mère » je peux me mettre près du « châssis » ?

— Non, laisse la place à ton petit frère. Tu es grande, tu verras par-dessus son épaule.

— Hormisdas, fais attention à ta petite valise, mon garçon.