Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Robespierre, Robespierre encore, Robespierre toujours.

Le plus habile politique qui eût bâti la maison spécialement pour cet usage n’eût pas si bien réussi que l’avait fait le hasard. Si ce n’était une cave, comme le logis de Marat, la petite cour noire et sombre valait au moins une cave. La maison basse, dont les tuiles verdâtres attestaient l’humidité, avec le jardinet sans air qu’elle possédait au delà, était comme étouffée entre les maisons géantes de la rue Saint-Honoré, quartier mixte, à cette époque, de banque et d’aristocratie. Plus bas, c’étaient les hôtels princiers du faubourg et la splendide rue Royale, avec l’odieux souvenir des quinze cents étouffés du mariage de Louis XVI. Plus haut, c’étaient les hôtels des fermiers-généraux de la place Vendôme, bâtis de la misère du peuple.

Quelles étaient les impressions des visiteurs de Robespierre, des dévots, des pèlerins, quand, dans ce quartier impie où tout leur blessait les yeux, ils venaient contempler le Juste ? La maison prêchait, parlait. Dès le seuil, l’aspect pauvre et triste de la cour, le hangar, le rabot, les planches, leur disaient le mot du peuple : « C’est ici l’Incorruptible… » — S’ils montaient, la mansarde les faisait se récrier plus encore ; propre et pauvre, laborieuse visiblement, sans parure que les papiers du grand homme sur des planches de sapin, elle disait sa moralité parfaite, ses travaux infatigables, une vie donnée toute au peuple… Il n’y avait pas là le théâtral, le fantasmagorique du maniaque Marat, se déme-