Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/181

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trouver des conseillers véridiques, exempts de crainte et d’adulation ; enfin la lecture des poètes, sous prétexte qu’ils ne disent rien que des fables, et l’on ne réfléchit pas que les fables des grands poètes sont des vérités plus voisines du vrai idéal, c’est-à-dire de la pensée de Dieu, que ne peuvent l’être les vérités racontées par les historiens et souvent altérées par le caprice, par la nécessité, par le hasard ; quel personnage historique ofî’re un caractère aussi vrai du général d’armée que le Godefroi de la Jérusalem ?

Comme si, en sortant des académies, les jeunes gens allaient trouver un monde tout géométrique et tout algébrique, on ne leur parle que d’évidence, de vérités démontrées, et l’on dédaigne le vraisemblable. Cependant le plus souvent le vraisemblable est aussi le vrai, puisque nous y trouvons une des règles du jugement les plus certaines, l’opinion de tous les hommes ou du plus grand nombre. Les politiques n’ont pas de règle plus sûre dans leurs délibérations, les généraux dans leurs entreprises, les orateurs et les juges dans les affaires du barreau, les médecins dans le traitement des maladies du corps, les casuistes dans le traitement de celles de l’âme ; c’est enfin la règle sur la certitude de laquelle tout le monde se repose, dans les procès, dans les délibérations, dans les élections ; tout s’y décide par l’unanimité, ou par la majorité.

Ge mépris du vraisemblable vient de l’enthousiasme qu’a inspiré le criterium du vrai indiqué par Descartes. Ce criterium, qui est la perception claire et distincte, est plus incertain que celui d’Épicure, si l’on n’a soin de le définir ; en effet cette confiance dans l’évidence individuelle, que toute passion ne