Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans la passion la voix s’altère et approche du chant. Partout les vers précédèrent la prose.

Passer de la poésie à la prose, c’était abstraire et généraliser : car le langage de la première est tout concret, tout particulier. La poésie elle-même, quoiqu’elle sortît alors de l’usage vulgaire, reçut aussi les expressions générales ; aux noms propres, qui, dans l’indigence des langues, lui avaient servi à désigner les caractères, elle substitua des noms imaginaires, et conçut des caractères purement idéaux ; ce fut là le commencement de son troisième âge, de l’âge humain de la poésie.

L’origine de la religion, de la poésie et des langues étant découverte, nous connaissons celle de la société païenne. Les poèmes d’Homère en sont le principal monument. Joignez-y l’histoire des premiers siècles de Rome, qui nous présente le meilleur commentaire de l’histoire fabuleuse des Grecs ; en effet, Rome ayant été fondée lorsque les langues vulgaires du Latium avaient fait de grands progrès, l’héroïsme romain jeune encore, au milieu de tant de peuples déjà mûrs, s’exprima en langue vulgaire, tandis que celui des Grecs s’était exprimé en langue héroïque.

Le commencement de la religion fut celui de la société. Les géants, effrayés par la foudre qui leur révèle une puissance supérieure, se réfugient dans les cavernes. L’état bestial finit avec leurs courses vagabondes ; ils s’assurent d’un asile régulier, ils y retiennent une compagne par la force, et la famille a commencé. Les premiers pères de famille sont les premiers prêtres ; et comme la religion compose