Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/591

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la distinction des propriétés. Les successions légitimes durent naturellement avoir lieu chez toutes les premières nations, avant qu’elles connussent les testaments. Cette dernière institution appartient à la législation des démocraties, et surtout des monarchies. Le passage de Tacite que nous avons cité plus haut, nous porte à croire qu’il en fut de même chez tous les peuples barbares de l’antiquité, et, par suite, à conjecturer que la loi salique, qui était certainement en vigueur dans la Germanie, fut aussi observée généralement par les peuples du moyen âge.

Jugeant de l’antiquité par leur temps (axiome 2), les jurisconsultes romains du dernier âge ont cru que la loi des Douze Tables avait appelé les filles à hériter du père mort intestat, et les avait comprises sous le mot sui, en vertu de la règle d’après laquelle le genre masculin désigne aussi les femmes. Mais on a vu combien la jurisprudence héroïque s’attachait à la propriété des termes ; et si l’on doutait que suus ne désignât pas exclusivement le fils de famille, on en trouverait une preuve invincible dans la formule de l’institution des posthumes, introduite tant de siècles après par Gallus Aquilius : Si quis natus natave erit. Il craignait que dans le mot natus on ne comprît point la fille posthume. C’est pour avoir ignoré ceci que Justinien prétend dans les Institutes que la loi des Douze Tables aurait désigné par le seul mot adgnatus les agnats des deux sexes, et qu’ensuite la jurisprudence moyenne aurait ajouté à la rigueur de la loi en la restreignant aux sœurs consanguines. Il dut arriver tout le contraire. Cette jurisprudence dut étendre d’abord le sens de suus aux filles, et plus tard le sens d’adgnatus aux