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Page:MoniteurBelge 18390210-Quetelet-2.jpg

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les établir avant de songer aux méridiennes dont elles devaient faciliter et abréger la construction.

Une seule excursion me suffit pour reconnaître à Gand, à Bruges et à Ostende, les emplacemens convenables pour effectuer les constructions nécessaires, pour m’entendre avec les autorités et pour convenir des plans avec MM. Roelandts, Rude et van Hercke, architectes des régences de ces villes, qui ont bien voulu me seconder dans ma mission avec une obligeance toute particulière. Lorsque les plans furent définitivement arrêtés, et avant qu’on ne commençât les travaux, je fis une seconde excursion pour orienter les pavillons astronomiques, assister à la fondation des piliers destinés aux lunettes méridiennes, et convenir de tous les détails minutieux qu’exigent des constructions semblables. Les choses purent alors être conduites, pendant mon absence, avec assez de célérité pour que les quatre petits observatoires fussent à peu près terminé dans le cours même de l’année ; du moins je pus mettre en place les instrumens méridiens à Anvers, à Gand et à Ostende, pendant les mois d’août et de septembre, et, s’il n’en fut pas de même pour Bruges, c’est que les difficultés de construction furent réellement assez grandes et que l’architecte, malgré son zèle, ne pu se procurer tous les matériaux convenables. Chaque localité offrait, en effet, ses difficultés propres. À Gand, le petit pavillon astronomique se trouve construit au-dessus de l’université, dans une position d’où l’on découvre à peu près tout l’horizon. M. Roelandts, à qui l’on doit la construction du magnifique édifice qu’il surmonte, a eu soin d’établir le support de la lunette méridienne sur un mur d’une grande solidité, il a construit le local de manière qu’il pût servir aussi pour les cours astronomiques de l’université. Je dois à l’obligeance éclairée et bien connue de M. D’Hane de Potter, administrateur-inspecteur de l’université, d’avoir obtenu toutes les facilités que je pouvais désirer dans l’accomplissement de ma mission, et surtout dans ce qui concernait la partie administrative et financière, dont je n’eus point à m’occuper.

À Ostende, le petit observatoire fut établi dans les travaux des fortifications, à côté du lieu d’où l’on donne aux vaisseaux les signaux pour indiquer les hauteurs des eaux dans le port. Ce lieu est extrêmement exposé aux coups de vent, et il devenait important de donner une grande solidité aux constructions, et d’établir les ouvertures de façon que les observations ne fussent pas entravées par des courans d’air trop forts. Le pavillon, comme ceux de Gand et d’Anvers, est de forme carrée, et la coupe méridienne le partage aussi d’une manière symétrique. Vers le nord, l’observation n’a pour limite que l’horizon, et vers le sud, elle n’est entravée que par quelques édifices éloignés qui enlève une faible portion du méridien de ce côté. Comme les travaux devaient se faire dans les fortifications de la place, il fallait obtenir l’autorisation préalable du ministère de la guerre : dans cette circonstance encore, je ne trouvai pas moins d’obligeance auprès de MM. Cordemans, colonel du génie, et Vermylen, major de la même arme, qu’auprès de la régence de la ville qui, qui, vu l’utilité des constructions, consentit à partager la dépense avec le grouvernement.

La dépense fut partagée d’une manière semblable à Bruges', et le petit observatoire fut construit sur le bâtiment de l’athénée afin qu’il pût, comme à Gand, avoir un double but d’utilité ; mais, comme ce bâtiment ma orienté se prètait difficilement aux constructions, il fallu pour la solidité asseoir le pilier de la lunette méridienne sur un angle du mur, et l’abriter sous un cabinet de forme octogone dont il était indépendant, et dont les parois établies sur une forte charpente forme d’un côté saillie au-dessus d’un jardin. Le méridien y est très libre, dans une étendue de près de 160° ; les toits de la ville arrêtent un peu la vue du côté du sud, mais seulement dans la partie qui dans nos régions s’est presque toujours chargée de vaœurs.

Je fus assez heureux pour rencontrer, dans les localités que je viens de désigner, des observateurs qui consentirent à faire tourner ces constructions à l’avantage du public. M. Timmermans, mon confrère à l’académie et professeur à l’université de Gand pour les sciences mathématiques, voulut bien se charger des observations à la lunette méridienne. M. Vanderaert, professeur de pilotage et de navigation, se chargea du même soin à Ostende. La lunette méridienne de Bruges fut confiée à M. le professeur Goetaels, recommandable à tant de titres ; et celle d’Anvers à M. Kemels, artiste très habile, et qui est chargé de la vérification des chronomètres nombreux que les capitaines de navire déposent ordinairement entre ses mains.

Cette année fut donc à peu près uniquement consacrée à l’établissement des quatre petits observatoire dont je viens de parler ; et les personnes qui connaissent toutes les difficultés attachées à l’organisation d’établissemens semblables et au placement des lunettes méridiennes, placements qui exige des observations astronomiques conduites avec les plus grands soins, jugeront, sans doute, que je n’ai pas à me reprocher un manque d’activité, alors surtout que j’avais à faire marcher de front les travaux de l’Observatoire de Bruxelles, où, je le répète, je me trouvais absolument seul pour les observations astronomiques, même pour celles qui devaient me servir à régler les chronomètres dont j’avais besoin.

Au commencement de 1838, et quand le temps moins variable me laissa l’espoir de ne pas faire de courses inutiles, je crus l’instant propice pour m’occuper du tracé des méridiennes. Je commençai par Gand : j’étais accompagné dans cette excursion par M. Cerquero, directeur de l’observatoire royal de San-Fernando, près de Cadix, comme je l’avais été l’année précédente, lors de l’établissement des lunettes méridiennes à Anvers, à Gand et à Ostende, par M. Capocci, directeur de l’observatoire de Naples.

Tout était préparé pour l’exécution du travail que j’avais à faire. Une large ouverture circulaire avait été pratiquée sous la voûte de la coupole à l’époque de la construction de l’édifice, dans la vue de donner passage aux rayons solaires et de tracer une méridienne dans le magnifique vestibule qui semblait en effet disposé pour cet usage. Mon travail se trouva donc considérablement simplifié, surtout en usant des mêmes procédés qu’à Bruxelles. D’ailleurs, la lunette méridienne dont j’avais antérieurement vérifié la position, placée comme elle l’était presque au-dessus du vestibule où l’opération devait se faire, donnait des moyens de vérifications commodes. M. D’Hane de Potter a bien voulu faire exécuter, depuis, l’incrustation des baguettes de cuivre destinées à rendre la ligne ineffaçable.

La méridienne d'Anvers n’avait pas encore été établie définitivement, parce qu’on m’avait fait observer que le placement d’un nouveau portail forcerait de porter plus haut la plaque destinée à donner passage aux rayons solaires. M. l’architecte ne se croyait pas suffisamment autorisé, d’après cela, à faire des changemens aux dispositions déjà prises, et il fallu entamer une nouvelle correspondance qui ne permit de tracer la méridienne qu’au mois de juin. Ce travail fut terminé presque immédiatement après.

J’avais visité, l’année précédente, les principaux édifices d’Ostende et de Bruges, et j’avais trouvé qu’ils se prêtaient difficilement aux constructions que j’avais à faire ; d’un autre part, j’avais réfléchi qu’en renfermant les méridiennes dans des églises et dans des édifices publics qui n’étaient pas toujours ouverts à l’heure de midi, les usages de ces méridiennes pouvaient devenir extrêmement restreints ; je m’arrêtai donc à l’idée qu’avaient eu les anciens, et que l’on a peut-être trop perdu de vue, de construire les lignes méridiennes de manière qu’elles fussent autant que possible constamment sous les yeux du public.

Dans le voyage que je fis à 'Bruges, pendant le mois d’août dernier, pour fixer et régler l’instrument méridien dans le nouvel observatoire qui venait d’être achevé, l’idée me vint de faire servir de gnomon pour une méridienne la magnifique maison gothique que tous les voyageurs remarquent à l’un des coins de la grande place, maison où une tradition peu sûre rapporte que fut autrefois retenu prisonnier l’empereur Maximilien par ses sujets révoltés. Je vis qu’en établissant une sphère au sommet et à l’angle de ce bâtiment, son sombre projetée sur le pavé parcourrait à peu près diagonalement toute la place dans l’intervalle d’un solstice à l’autre, et aurait un mouvement horaire extrêmement rapide. Le propriétaire de la maison et la régence voulurent bien entrer dans mes vues, et il fut convenu que j’établirais sur l’angle du bâtiment une sphère creuse en cuivre d’un demi-mètre de diamètre, et que la régence se chargerait du soin de faire marquer sur le pavé, par une ligne de pierres blanches, la direction de la méridienne dès que je l’aurais déterminée.

Une résolution à peu près exactement semblable a été prise par la régence d’Ostende, qui possédera comme Bruges une des plus grandes méridiennes que l’on aura tracées. L’ombre sera projetée par la petite figure qui surmonte l’hôtel-de-ville, et la méridienne coupera diagonalement la grand’place qui est d’une étendue très remarquable. Si le temps l’avait permis pendant mon séjour à Ostende, cette construction n’aurait pas éprouvé de retard. Je n’ai pas cru devoir y retourner depuis, parce que je voulais être assuré d’abord que je pourrais aussi tracer la méridienne de Bruges ; et il ne paraît pas que l’artiste chargé du placement de la boule de cuivre, ait terminé jusqu’à présent ce qui lui a été demandé.

Je m’étais occupé en premier lieu des parties du royaume par où passe le chemin de fer ; mais je crois que l’instant était venu de me diriger vers la partie orientale du royaume, et d’abord d’aller établir à Liége la lunette méridienne, qui pouvait m’être d’un grand secours pour régler mes chronomètres quand il faudrait opérer dans les environs de cette ville. Heureusement le but que je me proposais dans ce voyage put être facilement rempli en conciliant les avantages du gouvernement et ceux de l’université. M. Arnould, administrateur-inspecteur de cet établissement m’ayant, en effet, consulté sur le plan d’un petit observatoire pour les leçons d’astronomie, je visitai avec lui le local où il devait être établi, et je reconnu que le plan proposé était conçu de manière à placer très convenablement la lunette méridienne et à concilier tous les avantages. Je priai donc M. Arnould de donner suite à son projet, et il voulu bien s’y employer avec tant de zèle et de succès que les plans arrêtés entre nous et avec M. l’architecte de la ville ont reçu immédiatement après un commencement d’exécution, et il est permis d’espérer que bientôt la lunette méridienne pourra être mise en place.

À Malines, j’avais trouvé que la cathédrale était peu avantageusement orientée pour recevoir une méridienne, et j’avais été conduit naturellement à conclure qu’une pareille construction trouverait mieux sa place à la station centrale de tous les chemins de fer.

La colonne milliaire qui servait primitivement de point central à ces chemins, et qui couvrait la première pierre qui avait été posée avec tant de solennité à l’époque de l’inauguration, perdait toute son importance depuis qu’elle avait été déplacée ; je crus qu’on pourrait la faire servir avantageusement comme gnomon, et, après en avoir obtenu l’autorisation, je fis construire, avec le concours de MM. les ingénieurs, derrière la colonne et dans la direction du sud au nord une levée de dalles de 24 mètres de longueur pour y tracer la méridienne. Cette opération a été faite depuis, et une pierre solidement établie vers l’extrémité la plus éloignée de la colonne sert à rendre la trace durable, dans le cas où le terrain subirait de petits mouvements. Tout était préparé pour tracer en même temps la méridienne de Termonde, où l’église Notre-Dame, qui est fort bien orientée, permettra de construire une des plus belle méridienne du pays. Mais le peu qui restait à faire exigeait la présence du soleil, et, vers l’heure de midi, cet astre se voila et continua à me tenir en rigueur bien que j’eusse choisi pour l’opération projetée un des jours de cet hiver qui semblait offrir le plus de garanties de succès.

La variabilité du temps dans un pays où l’on compte annuellement à peine une douzaine de jours parfaitement sereins d’un bout à l’autre, et où l’on ne peut guères en espérer pendant l’hiver, m’a forcé par le même motif de suspendre ce qui se rapporte à la méridienne d’Alost, afin de ne pas m’exposer sans fruit à des peines et des dépenses inutiles. J’en dirai autant pour la ville de Louvain, dont j’ai visité les principaux édifices, sans avoir obtenu de résultats satisfaisans sur leur orientation. Je ne devais pas perdre de vue d’ailleurs vos instructions souvent réitérées, d’user de toute l’économie possible et de saisir, pour me mettre en route, l’instant favorable, de telle sorte qu’aucuns frais de déplacement ne fusse faits inutilement. J’ai fait ce que j’ai pu, monsieur le ministre, pour ne pas m’écarter de ces instructions ; mais comme la présence du soleil était indispensable pour la plupart de mes travaux. Je n’ai pu me mettre en voyage aussi souvent que je l’aurais voulu, et même en mettant toutes les probabilités de mon côté, je n’ai pu éviter des voyages inutiles.

Tel est l’exposé des travaux faits jusqu’à ce jour en [illisible] de l’arrêté royal du 22 février 1836. Quelle que soit l’idée qu’on se forme de leur mérite et de leur importance, je crois me devoir à moi-même de déclarer que je n’ai manqué ni de zèle ni d’activité pour faire marcher de front les nombreux travaux de l’Observatoire de Bruxelles et ceux que m’imposent mes fonctions de secrétaire perpétuel de l’académie royale, avec les constructions que vous avez bien voulu me demander de me charger.

Agréez, je vous prie, monsieur le ministre, l’assurance de mes sentimens très respectueux.

Le directeur de l’Observatoire,
A. Quetelet