Page:Monnier - Récits et Monologues, 1880.djvu/107

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Le gorille disait : « Que ces gens sont petits !
Pâles, maigres, chétifs, essoufflés, mal bâtis,
Quelques dents minces dans leurs bouches,
Deux mains au lieu de quatre, un œil terne et peureux,
On les verrait soudain, si je soufflais sur eux,
S’enfuir comme un essaim de mouches.


« Je les mouillerais tous d’un seul éternûment ;
Si je déracinais, près de ce monument,
Un des misérables arbustes
Qui nous feraient pitié dans nos grandes forêts,
En deux coups assénés sur eux j’en abattrais
Quinze et trente des plus robustes.


« Mais surtout qu’ils sont laids ! Cet ignoble troupeau
Sous de chaudes toisons doit abriter sa peau,
Qui grelotte avant la vieillesse.
Leur pied marche en boitant dans un cuir étranger ;
Tu ne voudrais pas d’eux même pour les manger,
N’est-ce pas, ô ma gorillesse ? »


La gorillesse dit : « Non, non, mille fois non !
Mais vois donc leur femelle, une étrange guenon
Dont le cri turbulent me vexe.
Tout est faux et mauvais dans son œil pétillant,
Quand je la vois aller, venir en sautillant,
Vraiment, j’en rougis pour mon sexe.