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XLVIII
INTRODUCTION


modération et bon goût. « La critique du père Gerdil, écrivait Montesquieu, est faite par un homme qui mériteroit de m’entendre, et puis de me critiquer [1]. » C’était là sa plainte ordinaire, et cette fois encore il avait raison.

A Florence, en 1754, un magistrat fort instruit, l’auditeur Bertolini, fit en français une analyse raisonnée de l’Esprit des lois [2], qui fut loin de déplaire à Montesquieu [3]. Ce n’était à l’origine qu’une préface. Bertolini voulait, au moyen de notes, jointes à l'Esprlt des lois, montrer la conformité de penser de l'auteur avec les plus grands génies de tous les âges. Je ne crois pas que cette édition ait jamais été publiée. l'analyse raisonnée, moins serrée que celle de d’Alembert, ne manque pas d’intérêt. Elle nous révèle un détail à peu près ignoré aujourd’hui. « Montesquieu, dit Bertolini, ne paroît avoir fait son ouvrage que pour s’opposer aux sentiments de l’abbé de Saint-Pierre, comme Aristote ne composa sa Politique que pour combattre celle de Platon. » Aujourd’hui personne ne lit les rêves de l'excellent abbé. Mais il a eu son heure de célébrité, et je crois qu’en effet Montesquieu l’a plus d’une fois combattu sans le nommer.

Il y avait dans ce travail un passage où Bertolini disait que Montesquieu avait mieux fait sentir aux Anglais la beauté de leur gouvernement que leurs auteurs mêmes. La modestie de Montesquieu s’effaroucha de cet éloge, et il le fit retrancher. « Si les Anglois, dit-il, trouvent que cela soit ainsi, eux qui connaissent mieux leurs livres que nous, on peut être sûr qu’ils auront la générosité de le dire ; ainsi renvoyons-leur cette question [4]. »

  1. Lettre à Guasco, du8 août 1752.
  2. En tête de ce volume nous donnons cette analyse raisonnée qui a été publiée pour la première fois en France dans les Œuvres posthumes de Montesquieu, Paris, 1708, in-12.
  3. Lettre de Montesquieu, du 31 décembre 1754.
  4. Lettre à Bertolini, 31 décembre 1754,