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LIVRE XXX, CHAP. XXV


qui auroit pu faire cette objection. Car, ayant donné trois ordres de noblesse romaine, et la qualité de Convive du roi pour le premier, il n’auroit pas pu dire que ce titre marquât plus une noblesse d’origine que celui d’antrustion. Mais il faut une réponse directe. Les antrustions ou fidèles n’étoient pas tels, parce qu’ils avoient un fief ; mais on leur donnoit un fief, parce qu’ils étoient antrustions ou fidèles. On se ressouvient de ce que j’ai dit dans les premiers chapitres de ce livre : ils n’avoient pas pour lors, comme ils eurent dans la suite, le même fief ; mais s’ils n’avoient pas celui-là, ils en avoient un autre, et parce que les fiefs se donnoient à la naissance, et parce qu’ils se donnoient souvent dans les assemblées de la nation, et enfin parce que, comme il étoit de l’intérêt des nobles d’en avoir, il étoit aussi de l’intérêt du roi de leur en donner. Ces familles étoient distinguées par leur dignité de fidèles, et par la prérogative de pouvoir se recommander pour un fief. Je ferai voir dans le livre suivant [1] comment, par les circonstances des temps, il y eut des hommes libres qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, et par conséquent à entrer dans l’ordre de la noblesse. Cela n’étoit point ainsi du temps de Gontran et de Childebert, son neveu ; et cela étoit ainsi du temps de Charlemagne. Mais quoique, dès le temps de ce prince, les hommes libres ne fussent pas incapables de posséder des fiefs, il parolt,par le passage de Tégan rapporté ci-dessus, que les serfs affranchis en étoient absolument exclus. M. l’abbé Dubos [2], qui va en Turquie pour nous donner une idée de ce qu’étoit l’ancienne noblesse françoise,

  1. Ch. XXIII. (M.)
  2. Histoire de l'Établissement de la monarchie françoise, tome III liv. VI, ch. IV, p. 302. (M.)