Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t5.djvu/57

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CHAPITRE XVIII.


DU PAYEMENT DES DETTES PUBLIQUES [1] .


Il faut qu’il y ait une proportion entre l’État créancier et l’État débiteur. L’État peut être créancier à l’infini ; mais il ne peut être débiteur qu’à un certain degré ; et quand on est parvenu à passer ce degré, le titre de créancier s’évanouit.

Si cet État a encore un crédit qui n’ait point reçu d’atteinte, il pourra faire ce qu’on a pratiqué si heureusement dans un État d’Europe [2] : c’est de se procurer une grande quantité d’espèces, et d’offrir à tous les particuliers leur remboursement, à moins qu’ils ne veuillent réduire l’intérêt. En effet, comme, lorsque l’État emprunte, ce sont les particuliers qui fixent le taux de l’intérêt ; lorsque l’État veut payer, c’est à lui à le fixer.

Il ne suffit pas de réduire l’intérêt, il faut que le bénéfice de la réduction forme un fonds d’amortissement pour payer chaque année une partie des capitaux ; opération

  1. L'abbé de Saint-Pierre avait étudié cette question avant Montesquieu, Rêves d'un homme de bien, p. 62 ; mais il avait vu plus loin que lui en recommandant le système des annuités anglaises de préférence aux créations de rentes perpétuelles, qui ne forcent pas l'État de se libérer. « Et ainsi l'État accumulant de nouvelles dettes sans en rembourser d’anciennes, perd tous les jours son crédit. » Montesquieu en est resté au système de l’amortissement facultatif avec intérêts composés.
  2. L’Angleterre. (M.)