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LA TRUITE DE MER

kull, Miramichi, et Boiestou où abondent également la truite et le saumon ? C’est plutôt dans les baies de l’île du Prince-Edouard, que le pêcheur amateur ira trouver la truite de mer, en la pêchant à la trolling ou turlotte. À l’entrée des rivières du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, il y a encore de bonnes chances, mais n’étaient les épais brouillards du golfe Saint-Laurent rien n’égalerait la pêche qu’on y pourrait faire à la truite saumonée. À une centaine de milles en aval de Québec, depuis le Saguenay, en descendant, les eaux du fleuve Saint-Laurent offrent l’alimentation la plus nourrissante à la truite de mer. On l’y voit arriver à de grandes proportions, jusqu’au poids de plus de douze livres. On a même prétendu qu’elle habite certains lacs sans jamais retourner à la mer, ce qui lui permet de se développer dans des proportions énormes. Il ne faut rien en croire.

Le fleuve Saint-Laurent voit sur ses bords voltiger des nuages d’éphémères qui fournissent à la truite une nourriture délicieuse : le menu fretin y roule en bordure argentée sur ses rivages ; le capelan, la petite morue, les sardines, les mulets, les encornets y remplissent les baies ; le lançon et les coques y grouillent dans les sables des grèves, pendant que les mouches y foisonnent sur les eaux, en été, et que la fraîcheur des ruisseaux offre un vrai paradis à tout salmonidé qui les fréquente.

C’est ainsi que ces animaux parviennent à une taille vraiment merveilleuse ; c’est ainsi que plus d’un pêcheur préfère la pêche de la truite à celle du saumon, pourtant si entraînante. Il faut avouer aussi que la truite de mer est plus facile à surprendre et que sa capture est plus abondante. Barnwell se laisse aller à l’enthousiasme jusqu’à s’écrier « Quel que soit le nom de ce poisson, c’est un poisson charmant, le plus beau des enfants de la mer. D’autres ont de plus vives couleurs, ont des formes plus élégantes, mais la truite est la plus belle de tous. Elle est la favorite du vrai pêcheur, soit qu’il la capture sous le nom de salmo trutta, dans les eaux du Canada, pesant un poids de quinze livres, soit qu’elle porte le nom de salmo fontinatis dans les ruisseaux des montagnes du Vermont, sous le poids d’un quart d’autant d’onces. Au Canada, les sportsmen — et personne autre ne paraît s’y livrer à cette pêche — ne prennent la truite de mer qu’à la mouche. En juin et plus tôt, on la trouve dans les hautes marées, et alors elle préfère les mouches de couleur vive. L’ibis écarlate, préparé de la manière ordinaire, ou varié d’un fil brillant enroulé autour du corps, ou de fait, l’hameçon entier entouré de clinquant, est préféré par un grand nombre à toute autre mouche ; mais le filoselle rouge, le faisan doré, le professeur, le canard gris, et en vérité toute mouche de couleur vive méritera d’être choisie. Une mouche faite d’un corps rouge et d’ailes jaunes rencontrera de nombreux suffrages ; mais ce n’est pas une raison d’oublier ou de négliger les couleurs plus sombres :