Page:Montreuil - Le secret de Zilda, conte canadien, paru dans Mon Magazine, février 1926.djvu/19

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Quinze années de silence et d’oubli sont passées sur le souvenir des événements tragiques que nous avons racontés. À Québec personne ne prononce plus le nom de Pierre Nado et dans le village qu’habita jadis le docteur Nolier, un autre médecin a fait oublier l’absent. Il n’y a pas que les morts qui vont vite.

Dans une petite ville du Maine, un jeune homme attend à la porte d’un magasin la venue d’une jeune fille qui le rejoint bientôt, souriante et heureuse. Et bras-dessus, bras-dessous, ils s’en vont, causant comme causent les amoureux, de rien en particulier et de tout à la fois. Dans la maison de modes où elle travaille vaillamment pour gagner sa vie, la demoiselle est connue sous le nom de Lizy Noler. On sait qu’elle est orpheline et sans aucun parent dans la ville. Son compagnon s’appelle Jean Nado.

Il est comptable dans la firme qui emploie également son amie. Et c’est en se rencontrant chaque jour à l’ouvrage que la plus tendre affection est née en eux. Ils se sont fiancés, et ce soir, Jean amène sa promise pour la présenter à sa mère, à son père et à sa sœur. Et Lisy est heureuse de penser qu’elle aura bientôt une famille, elle qui souffre tant de son isolement, depuis que son père est mort, à l’hôpital, il y a déjà trois ans, miné par un mal inexplicable de langueur, qui a fait dire aux médecins que sa maladie était de celles dont on ne veut pas guérir.

Dans le petit logis à l’américaine où Pierre Nado coule maintenant des jours calmes avec sa femme et ses deux enfants qui s’efforcent sans cesse de lui faire oublier ses longues années de souffrance, tout a un air de fête, car on attend la fiancée de Jean et Mme Nado a tenu à impressionner agréablement sa future belle-fille.

Voici les deux jeunes fiancés qui entrent, enfin, et l’on fait à la jeune fille le plus cordial accueil.

Puis, l’on cause : « Votre nom est américain, dit Pierre Nado, êtes-vous de descendance anglaise ? » Et la jeune fille répond en riant :

— « Mais non, mon nom est français, ce sont ces Américains qui l’ont travesti, parce qu’ils n’étaient pas capables de le prononcer, et je les ai laissés faire,