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les Chrétiens. Il établit le ſiege de ſon Empire à Maroc, environ l’an 1147. ſelon Roderic de Tolede, lib. 7. c. 10 & Fulgoſe, lib. 3. c. 4.

ABDELQUIVIR, Fils aîné de Haſcen Cherif. Celui-ci étoit Numidien & natif de la Province de Dara, lequel ſçachant la Philoſophie & la Magie, & voulant ſe mettre en credit parmi les peuples, ſe diſoit deſcendu des anciens Princes Mahometans, il affectoit auſſi une grande ſainteté de vie. Il avoit trois fils, dont Abdelquivir étoit l’aîné. Ils les éleva à ſa mode, & les ayant envoyez à la Mecque, ils témoignerent à leur retour, qu’ils étoient ſans doute dignes de l’avoir pour pere. Car feignant d’avoir des enthouſiaſmes, ils attiroient après eux quantité de monde ; & il n’y avoit perſonne qui ne s’eſtimât heureux de baiſer le bas de leur veſte. Hafcen conſeilla aux deux cadets d’aller à Fez, où regnoit alors Mahamet Oataz environ l’an 1508. Ils y furent aſſez heureux, l’un eut une chaire dans le Collège de Modaraſe, & l’autre eut l’honneur d’être Précepteur des enfans du Roi. Cependant le pere fit demander le Gouvernement de Maroc, de Suſa, de Tremecen & de quelques autres pIaces, ſous prétexte de les défendre contre les Chrétiens. Muley-Nacer frere du Roi improuva ce deſſein ; mais le Roi leur accorda leur demande. Leur premier voyage fut heureux, & les peuples les ſuivirent de tous côtez. Mais Yahai-Ben-Taſuf, tributaire du Roi de Portugal & ennemi juré des Cherifs, leur oppoſa les Portugais, qui les chaſſerent. Ils revinrent à la charge ſous la conduite d’Abdelquivir, qui fut tué dans un combat. *Diego de Torres, Marmol, De Thou.

ABDEMELECH, dépouillé des Royaumes de Fez, & de Maroc, par Mahomet ſon neveu, mandia le ſecours de Selim Empereur des Turcs, pour les recouvrer ; & l’autre chercha celui de Sebaſtien Roi de Portugal, lequel ayant levé une puiſſante armée, paſſa en Afrique, & aborda à Tanger le 9. Juillet de l’an 1578. La bataille s’étant donnée un Lundi 4. d’Août, le Roi de Portugal ou fut fait eſclave, ou fut tué, comme diſent les Eſpagnols. Mahomet expira dans un marais, & Abdemelech dans ſa litiére. Ce Prince Mahometan eſt auſſi connu ſous le nom de Mulei Moluc.

ABDEMELECH, Eunuque Ethiopien ſerviteur du Roi Sedecias, ne pouvant ſouffrir que ce Prince aveuglé eut fait jetter le Prophete Jeremie dans une priſon affreuſe, pour contenter les ennemis de ce ſaint Homme, il agit ſi bien, qu’il obtint ſa delivrance : ſa géneroſité fut recompenſée de Dieu, qui le délivra lui-même des armes des Chaldéens, dont le Prophete avoit annoncé la venuë. * Jeremie, c. 38. & 39.

ABDEMENEPH, ou Abdimenep, marchand Iſmaëlite, conſideré des ſiens à cauſe de ſes richeſſes. Il acheta Mahomet, qui le ſervit quelque tems, avant qu’il fût connu par ſes impoſtures ; & après ſa mort épouſa ſa veuve ;& ſe ſervit de ſes grands biens, pour venir à bout de ſes deſſeins. * Theophanes, Poſtel, &c.

ABDEMON, jeune homme, qui avoit le don d’expliquer les énigmes propoſez par Salomon. Menandre Auteur Grec cité par Joſeph en parle ainſi : Il y eut en ce tems un jeune homme nommé Abdemon, qui expliquoit les ſonges que Salomon Roi de Jeruſalem lui propoſoit. Dius, auſſi cité par le même Auteur, ajoute qu’Hiram Roi des Tyriens n’ayant pû expliquer les énigmes qui lui avoient été propoſez par Salomon, lui paya une ſomme très-conſiderable. Mais qu’ayant depuis envoyé à Salomon un Tyrien, nommé Abdemon, qui lui expliqua tous ces énigmes & lui en propoſa d’autres, qu’il ne pût expliquer, Salomon lui rendit ſon argent.* Joſeph, Antiq. Judaic. li. 8. cont. App. L. 1.

ABDENAGO, ou Azarias, un des trois jeunes Seigneurs Hebreux, leſquels refuſant d’adorer l’Idole que le Roi Nabuchodonoſor avoit fait élever, furent jettez dans une fournaiſe ardente, & conſervez par les ſoins d’un Ange, & enfin retirez par le commandement du Prince. L’Egliſe de Langres ſe vante de poſſeder les reſtes facrez de ces SS. Confeſſeurs de la Loi Judaïque ; & une tradition qu’elle a de tems immemorial, lui apprend qu’ils chaſſerent des eſprits malins, qui affligeoient toute cette contrée de la Champagne. On croit qu’ils furent jettez dans le feu, l’an 3462 du Monde ; d’autres ſoûtiennent que ce fut en 3455. ou 56. en la XLV. Olympiade. Daniel, 1. & 3. Torniel & Salian, in Annal. veter. Teſtam.

ABDEONE, Cherchez Abeone.

Rois de Cordouë.

ABDERAME I. Roi des Arabes en Eſpagne, qui avoient leur ſiege à Cordouë, ravagea toute la Caſtille, avec une armée de Maures venus d’Afrique, que quelques-uns font monter à trente mille chevaux, & deux cens mille hommes de pied. Le Roi de Leon n’étant pas aſſez fort pour lui réſiſter, il recouvra en peu de tems toutes les places que les Chrétiens avoient reconquiſes ſur les Arabes. Après avoir gagné les Royaumes de Caſtille, d’Arragon, de Navarre & de Portugal, & laiſſé ſeulement libre la partie Septentrionale d’Eſpagne, qui eſt fortifiée par la nature, il alla aſſieger Galafre dans Tolede : Mais il fut contraint de lever le ſiege, & fit de ſi grands ravages durant cette campagne, que les Ecrivains en font le ſecond deſtructeur de l’Eſpagne. Il recommença l’année d’après l’attaque de cette ville, qu’il prit, & il y laiſſa ſon fils Gouverneur. Quelques Hiſtoriens diſent qu’il eut de longues guerres contre Charlemagne, que Pepin ſon pere avoit envoyé en Eſpagne, pour s’oppoſer aux conquêtes de ce Barbare. Mais comme ces mémoires ſont tirez de l’Hiſtoire de l’Archevêque Turpin, on n’en peut rien aſſûrer, qui ne reſſente la fable. Il eſt ſeulement vrai qu’il déſola preſque toute l’Eſpagne & que pluſieurs Rois, comme Aurelius & Maugerat, acheterent la paix de lui, à des conditions honteuſes, lui payant cent jeunes filles tous les ans. Depuis n’ayant plus rien à executer, il fit bâtir la grande Moſquée de Cordouë, & mourut avant qu’elle fût achevée, après avoir regné 50. ans, trois mois & quatre jours, c’étoit l’année 790. *Mariana, Hiſt. De reb. Hiſp. Marmol, li. 2. c. 20.

ABDERAME II. Roi de Cordouë, fit d’abord trêve avec Ramire Roi de Caſtille. Ayant été depuis ſollicité par les Afriquains, qui l’incitoient à prendre les armes, par un des plus grands ſecours qui eût jamais paſſé la mer, il ſe mit en état de pourſuivre les Chrétiens. Le Roi Dom Ramire ſurpris, le fit prier de ne pas rompre le Traité de paix, mais le Maure ayant demandé cent filles de tribut toutes les années, comme on les avoit données à ſes prédeceſſeurs ; il eut ſi fort en horreur cette inſolente demande, qu’il prit lui-même les armes, & ſe confiant en la bonté de Dieu, il vainquit Abderame par un ſecours extraordinaire du Ciel. Depuis vivant en paix, il ne s’occupa qu’à embellir & fortifier les places de ſon obeïſſance, conduiſant de l’eau dans les villes, bâtiſſant des Moſquées, & faiſant venir des ouvriers de Damas pour y faire des manufactures de ſoye. Ce fut le premier qui mit ſon nom ſur la monnoye Arabeſque. Les Anglois aſſiegerent de ſon tems Lisbonne, étant venus en Eſpagne en faveur des Chrétiens, mais s’appercevant que tous leurs travaux ne ſervoient de rien, ils prirent une autre route. C’étoit l’année 840. & quelques années après, ſçavoir en 846. ou 859. Abderame mourut laiſſant 42. fils. * Marmol, Hiſt. d’Afrique, li. 2. ch. 23.

ABDERAME III. ſurnommé l’Exaltateur de la Loi, fut préferé à ſon aîné, pour le Royaume de Cordouë. Ayant fait de grandes pertes en Eſpagne par le courage de Dom Garcias, il fit venir du ſecours d’Aſrique en 916. & continua durant pluſieurs années la guerre contre les Chrétiens, qui lui prirent Pampelune & pluſieurs autres places de conſideration. De ſorte qu’attribuant la cauſe des pertes qu’il faiſoit à la permiſſion qu’il donnoit dans ſes Etats aux Chrétiens, & aux Mahometans de s’allier enſemble, il voulut que tous les Chrétiens, qui avoient fait alliance avec les Maures, fiſſent eux & leurs enfans profeſſion de la loi de Mahomet, dont pluſieurs ſouffrirent le martyre, comme S. Victor, S. Pelage, S. Lilioſa, &c. Il mourut enfin l’an 958. ou 961. après en avoir regné plus de cinquante. * Mariana, Hiſt. de reb. Hiſp. li. 2. ch. 26.

ABDERAME IV. fils d’Almanzor, parvint à la Couronne après la mort d’Abdumalic ſon frere aîné, il fut le dernier de la race des Abderames, qui regnoient à Cordouë. Il étoit ſi débauché, que ne ſe ſouciant point de la guerre, les Arabes ſe ſouleverent, & ſe partagerent en deux factions : ceux d’Afrique d’un côté, commandez par Soliman, & ceux d’Eſpagne de l’autre par Mahomet. Ce dernier ayant empoiſonné le Calife, ſans que perſonne en murmurât à cauſe de ſes vices & de ſa lâcheté ; & voulant faire croire qu’il étoit mort, fit égorger un Chrétien, & après ſe fit appeller Roi. Cela arriva environ l’an 1062. Mariana, Marmol, li. 2. ch. 28.

ABDERAME, Prince Mahometan & fils du Roi Aliatan, qui regnoit en Eſpagne, étant entré par ſurpriſe dans la ville de Tolède l’an 809. il y exerça tant de cruautez, qu’il fit d’abord égorger fix mille habitans. Marmol, l. 2. ch. 22.

ABDERAME, ſe fit Souverain de Safie, dans le Royaume de Maroc, ayant fait mourir ſon neveu qui la gouvernoit. Il regna long-tems en paix, & fut aſſaſſiné à ſon tour, lors qu’il y penſoit le moins. Car ayant une belle fille aimée d’un jeune homme des principaux de la ville, nommé Ali Ben Guecimin, ce jeune homme coucha avec elle, par l’entremiſe même de ſa mere & d’un eſclave. Comme Abderame ſçut cela, il réſolut de s’en venger ; mais la fille & la femme qui s’en doutoient, en donnerent avis au galant, qui penſa à le prévenir, & fit ſon complot avec un de ſes amis nommé Yahaya. Sur ces entrefaites, Abderame, qui méditoit ſa vengeance, envoya dire un jour de Fête à Ali, qu’il vint à la Moſquée, & qu’ils iroient de là à la promenade, parce qu’il avoit envie de lui communiquer une affaire de grande importance. Ali y vint avec ſon ami, & ſe defiant d’Abderame, qui faiſoit ſon oraiſon près de l’Alfaqui, il le poignarda dans la Moſquée. * Marmol, li. 3. ch. 53.

ABDERAME ou Abdirame, Viceroi des Maures en Eſpagne, a été un des plus grands Capitaines de ſon tems. L’Amir-el-memunin, que nous appellons Miramomolin, c’eſt à dire l’Empereur des Sarrazins d’Afrique, ſe flata qu’Abderame feroit facilement la conquête de la France & de l’Italie. Et à la verité c’étoit un chef en qui les meilleurs Capitaines admiroient des qualitez excellentes. Les Mahometans n’en avoient point qu’ils lui puſſent comparer, & les Chrétiens n’avoient que le ſeul Charles Martel, qui pût lui faire tête. Les Sarrazins, qui étoient établis en Eſpagne, prétendoient que les terres que les Wiſigots avoient poſſedées dans le Languedoc, dans la Provence & dans l’Aquitaine, leur appartenoient légitimement. Ils voulurent commencer par le Languedoc & par la Provence, où ils crûrent que la commodité des ports de mer leur ſeroit avantageuse, pour y faire des deſcentes. Ces premiers deſſeins ayant eu tous les ſuccès qu’ils s’étoient promis, ils en conçûrent de plus ambitieux, & Abderame, comme je l’ai dit, leur ſembla un ſujet très-propre pour les pouvoir executer avec aſſez de facilité. Quelques Auteurs ont écrit, qu’Eudes Duc d’Aquitaine avoit appellé lui-même les Sarrazins, & d’autres ſoûtiennent qu’il n’y avoit point de part. Il eſt pourtant ſûr que la jalouſie que lui donnoit le mérite & la grandeur de Charles Martel, lui fit ſouhaiter que les Maures pûſſent l’occuper, de peur qu’il n’entreprît de porter ſes armes dans ſes Etats. C’eſt peut-être ce qui lui fit ſolliciter Abderame d’entrer en France. Mais quand il le vit à la tête d’une armée formidable de Barbares, il ſongea à les repouſſer. Le Capitaine Maure, voyant bien qu’il étoit impoſſible qu’un ſeul Païs fournit à la ſubſiſtance d’une ſi grande multitude, fut contraint de diviſer ſes troupes, qu’on fait monter juſques à quatre cens mille hommes. Ceux qui étoient reſtez dans le Languedoc, voulant ſe répandre dans les Provinces voiſines, ſous la conduite de quelque chef, n’y furent pas bien reçûs, Eudes même les pouſſa avec tant de vigueur, que l’épouvante s’étant miſe parmi eux, ils ne ſongerent plus qu’à joindre Abderame. Il avoit aſſiegé Arles, & une partie de ſon armée étant occupée à ce ſiege, l’autre ravageoit impunément la Provence & le bas Dauphiné. Cependant, Abderame voulant venger la perte que les ſiens avoient faite dans l’Aquitaine, y courut en diligence. Il défit d’abord tout ce qui s’oppoſa à ſon paſſage & ne trou-

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