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torsade épaisse et lourde. Le visage trahissait une rare sérénité, et le regard une douce bonté qui n’enlevait rien à son expression de fermeté et d’énergie.

Toujours Fernand voyait ainsi la douce image, fixée dans son cœur comme une gravure dans sa plaque de métal. Ç’avait été une instantanée prise de possession de tout son être par la jeune fille dans laquelle il avait pressenti une âme sœur de la sienne. Le charme avait été foudroyant, et depuis lors il n’y avait pas échappé un seul instant, enveloppé dans un cercle de sensations tantôt étrangement douces, tantôt amères et cruelles, qui le dominaient successivement.

Il avait bien tenté de se raisonner et de résister à ces impressions singulières, mais il n’y avait point réussi ; et alors il s’était livré tout entier, s’avouant qu’il était amoureux et se préoccupant uniquement de la pensée dont son cœur était plein.

Amoureux, lui !… Pauvre Fernand !… Quand le lendemain de cette révélation, il était allé conter à son seul ami, le médecin, ce qui arrivait d’extraordinaire et d’inattendu dans sa vie, jusqu’alors si monotone, il avait bien vu, à l’étonnement qui s’était peint dans la physionomie de M. Petit, qu’il avait l’air d’un sot à avouer de pareilles aventures. L’amour était permis à tous les cœurs jeunes, comme la chose la plus naturelle et la plus impossible à empêcher : mais à lui, Fernand, il était défendu comme une monstruosité.

Le docteur ne l’avait pas dit, certes. Il s’était contenté de soupirer et de prévenir le jeune homme que, dans l’état actuel de sa maladie, toute préoccupation trop absorbante était un obstacle nouveau