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blâmable : écouter une conversation dont les interlocuteurs ne seraient tû, peut-être, s’ils l’avaient su aux écoutes.

Elle resta derrière le massif et, à peu près sûre de ne pas être surprise, elle tendit avidement l’oreille.

Rien ne lui échappa de cette conférence, et quand le dernier mot fut dit, Raymonde se sentit brisée, étourdie, prise de vertige. Elle n’avait plus d’ailleurs aucune honte de son indiscrétion : au contraire, elle s’applaudissait de l’avoir commise. Elle était édifiée, enfin ; elle savait à quoi s’en tenir ; elle serait à même de se résoudre dès que le calme se referait dans son esprit, dès que ses impressions, devenant moins confuses, moins heurtées, elle pourrait sonder sa conscience et se préciser son devoir.

Lentement, elle sortit du massif, puis, arrivée à la route qui contournait le bosquet et descendait au Casino, elle se mit à courir et arriva bientôt à l’hôtel, où elle se réfugia dans sa chambre.

Là, elle se crut en pleine possession d’elle-même, dans la plénitude de sa lucidité, et s’étant débarrassée de son chapeau et de son ombrelle, elle s’assit posément, afin de réfléchir.

Ce n’était qu’un calme apparent. Les nerfs, surexcités jusqu’à la douleur, se détendaient peu à peu. Mais tout restait brouillé dans ses idées. Puis un souvenir prit le dessus ; le souvenir d’une phrase par laquelle son père avait insinué qu’il romprait absolument, dès le jour du mariage, avec le ménage de sa fille. Eh quoi ! c’est à de telles conditions que Raymonde pourrait se marier ? Jamais, pour elle, elle ne les accepterait ! Sacrifier son père ? Se condamner à ne plus le voir, à ne plus lui faire les douces caresses auxquelles elle l’avait habitué ? Non ! Jamais !