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Ils s’arrêtèrent du même mouvement en haut de la montée, et s’étant adossés à des « landres » de bois sec, qui fermaient une friche, ils y appuyèrent les lourdes hottes d’osier qui leur sciaient les épaules.

Ils étaient tous deux étrangement pareils, vêtus de futaine grise que la pluie recouvrait d’une fine buée de gouttelettes, ayant le torse serré dans un tricot de laine brune. Leurs physionomies frustes et graves s’éclairaient du même regard bleu. Mais l’un était un jeune gars bien planté, dont les joues se recouvraient d’une barbe châtain, frisée et drue, tandis que l’autre, un vieux, tout courbé par le travail des champs, paraissait infirme, incapable de se redresser désormais pour regarder les nuages, le ciel lumineux, les spectacles qui égaient les hommes et les réconfortent.

Ils soufflèrent un moment, tandis qu’un pâle rayon de soleil, filtrant à travers la pluie, courait sur l’horizon, allumait des lueurs dans les buissons d’épine. Un roitelet, tout près d’eux, fit entendre quelques notes d’une chanson mouillée et frissonnante.

Puis l’averse redoubla.

— Pierre, dit le vieux, v’là qu’ça recommence.

Et l’autre répondit, haussant les épaules d’un air de lassitude :

— C’est le temps de la saison.

Ils se remirent en marche, ayant dans leur allure le morne accablement des bêtes de somme. Tout un attirail de pêche dansait dans leurs hottes. Pour franchir les ruisseaux d’eau boueuse, ils sautaient sur les pierres branlantes, étendant les bras pour reprendre leur équilibre. Pierre avait le bras passé dans l’anse d’un pot de fonte ébréché, où couvait un feu de braise. Quand la