Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/15

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rafale tournoyante passait sur les deux hommes, une mince colonne de cendre, sortant du vase, montait dans l’air, comme une fumée.

Ils arrivèrent au bord de la Moselle. La rivière coulait, rapide et glacée, sous des branches de saules garnies de « chatives », brins de joncs et de roseaux secs, amenés par les crues récentes, que le vent agitait avec un long froissement triste. Une barque était amarrée à la berge, une vieille barque dont le fond était obstrué de gravats et d’herbes folles.

Les deux hommes y montèrent. Elle partit lentement, puis s’anima peu à peu, gagnée par la vie mobile et frémissante du flot. Les berges fuyaient de chaque côté d’un mouvement monotone, laissant apercevoir dans la profondeur des prairies inondées des saules étêtés qui levaient leurs têtes difformes. Et parfois aussi on côtoyait des tas de bois empilés à la lisière des forêts. Alors une odeur forte de tan courait sur l’eau : ce souffle pénétrant que les grands chênes exhalent après leur mort.

Puis la rivière s’élargit, devint un lac d’eau jaunâtre. Les deux hommes se mirent à pêcher.

Assis sur la planche à l’arrière, le vieux Dominique faisait décrire à sa barque des courbes lentes. Puis il jetait dans l’eau des poignées de son et de chènevis. De grandes traînées blanches filaient à la surface ; les coques légères des grains de chènevis se dispersaient en une poussière grise. Bientôt des ablettes attirées, montant des profondeurs, trouaient la nappe de leur frétillement léger, de leur pullulement innombrable. Pareille aux insectes sortis de la terre à la fin d’une journée chaude, toute cette vermine de la rivière