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L’ENVERS DU JOURNALISME

tes ne se font faire la barbe qu’une fois par semaine, le samedi matin : leur système pileux exige des soins aussi fréquents que celui des autres mortels. Mais le samedi matin, il y a relâche, comme on dit au théâtre. Les reporters, ayant fini, pour vingt-quatre heures, de s’occuper des faits et gestes des acteurs de la comédie humaine, prennent un peu plus soin de leurs personnes. Cette visite chez le barbier et la nonchalance satisfaite avec laquelle ils se rapprochent, au retour, pour causer et pour fumer, sont les marques extérieures d’un état d’esprit différent de celui qui a été le leur pendant toute la semaine. Ils cessent alors de discuter les faits divers pour discuter le journalisme lui-même.

Que d’axiomes intéressants ou abracadabrants, que d’opinions censées ou subversives, que de théories nouvelles et défiant la pratique ont vu le jour, dans ces conversations du samedi, entre l’heure matinale à laquelle on donne la dernière copie et l’heure de la paye. On en remplirait des volumes, qui amuseraient et épouvanteraient tour à tour les lecteurs.

Quand Martin entra, on en était à fonder un nouveau journal. — Rien que cela.

Caron et Roy étaient d’avis que les reporters n’ont pas assez de liberté et qu’ils jouent un rôle trop impersonnel, et ils exprimaient l’opinion qu’un journal où tous les reporters seraient en même temps rédacteurs — sans que tous les rédacteurs fussent pour cela reporters — devrait être créé.

« Je crois », dit Caron, en pinçant les lèvres et en assujettissant son lorgnon, « que c’est ridicule