Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/159

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au chevalier ; le voilà, c’est clair comme le jour.

En parlant ainsi, le vieux maître maçon avait de nouveau tiré son papier, et l’avait mis sous les yeux du curé. Celui-ci, à demi étonné, à demi piqué, examina le billet, le retourna, le lut plusieurs fois à haute voix, et le rendit à l’oncle, ne sachant trop quoi dire.

Le chevalier avait semblé étranger à la discussion ; il continuait de marcher en silence, et son incertitude croissait d’instant en instant.

— Si Giraud a raison, pensait-il, et si je refuse, je manque à mon devoir ; c’est presque un crime que je commets. Une occasion se présente où cette pauvre fille, à qui je n’ai donné que l’apparence de la vie, trouve une main qui recherche la sienne dans les ténèbres où elle est plongée. Sans sortir de cette nuit qui l’enveloppe pour toujours, elle peut rêver qu’elle est heureuse. De quel droit l’en empêcherais-je ? Que dirait sa mère, si elle était là ?…

Les regards du chevalier se reportèrent encore une fois vers le tombeau, puis il prit le bras de l’oncle Giraud, fit quelques pas à l’écart avec lui, et lui dit à voix basse : Faites ce que vous voudrez.

— À la bonne heure ! dit l’oncle ; je vais la chercher, je vous l’amène ; elle est chez moi, nous revenons ensemble, ce sera fait dans un instant.

— Jamais ! répondit le père. Tâchons ensemble qu’elle soit heureuse ; mais la revoir, je ne le peux pas.

Pierre et Camille furent mariés à Paris, à l’église