Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/279

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— J’ai prêté quatre francs, répondit le barbier ; et je vous assure, monsieur, que c’est pure charité. À toute autre je n’aurais pas avancé plus de quarante sous, car la pièce est diablement mûre ; on y voit à travers, c’est une lanterne magique. Mais je sais que mademoiselle Mimi me payera ; elle est bonne pour quatre francs.

— Pauvre Mimi ! reprit Marcel. Je gagerais tout de suite mon bonnet qu’elle n’a emprunté cette petite somme que pour l’envoyer à Rougette.

— Ou pour payer quelque dette criarde, dit Eugène.

— Non, dit Marcel, je connais Mimi ; je la crois incapable de se dépouiller pour un créancier.

— Possible encore, dit le barbier. J’ai connu mademoiselle Mimi dans une position meilleure que celle où elle se trouve actuellement ; elle avait alors un grand nombre de dettes. On se présentait journellement chez elle pour saisir ce qu’elle possédait, et on avait fini, en effet, par lui prendre tous ses meubles, excepté son lit, car ces messieurs savent sans doute qu’on ne prend pas le lit d’un débiteur. Or, mademoiselle Mimi avait dans ce temps-là quatre robes fort convenables. Elle les mettait toutes les quatre l’une sur l’autre, et elle couchait avec pour qu’on ne les saisît pas ; c’est pourquoi je serais surpris si, n’ayant plus qu’une seule robe aujourd’hui, elle l’engageait pour payer quelqu’un.

— Pauvre Mimi ! répéta Marcel. Mais, en vérité,