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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

çais et, entre autres, plusieurs collections scientifiques. Un jour, on lui demanda grâce pour celle d’ornithologie qu’il avait visitée la veille et dont il semblait ravi ; il entra dans une grande colère, dit que toutes ces innovations étaient œuvres de Satan… Ces cabinets n’existaient pas en Novant-ott, et les choses n’en allaient pas plus mal… Il n’était nul besoin d’être plus habile que ses pères… Sa verve épuisée, il ajouta qu’il n’admettrait d’exception que pour les oiseaux ; ils lui plaisaient, il voulait qu’on en prit grand soin. La partie sarde du Conseil approuva l’avis du Roi. Monsieur de Valese et monsieur de Balbe se turent en baissant les yeux. La destruction du cabinet d’ornithologie et la conservation de celui des oiseaux passa à l’immense majorité.

Ces niaiseries, dont je ne rapporterai que celle-là mais qui se renouvelaient journellement, rendaient le gouvernement ridicule, et, lorsque nous arrivâmes à Turin, il était dans le plus haut degré de déconsidération. Depuis, l’extrême bonhomie du Roi lui avait rendu une sorte de popularité, et la nécessité l’avait forcé, de son côté, à tempérer les dispositions absurdes rapportées de Cagliari. Il fallait en revenir aux personnes dont le pays connaissait et appréciait le mérite, lors même qu’elles n’auraient pas passé vingt-cinq années de leur vie dans l’oisiveté.

Monsieur de Valese avait bien un peu de peine à s’associer des gens avec lesquels il avait été longtemps en hostilité : peut-être même craignait-il que les répugnances, une fois complètement surmontées, on ne trouvât parmi ceux qui avaient servi l’Empereur des capacités supérieures à la sienne. Cependant, comme il était homme d’honneur et voulant le bien, il engageait le Roi à confier les places importantes aux personnes en état de les faire convenablement et chaque jour appor-