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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Le Roi ne sortait pas le dimanche ni le mercredi où il tenait conseil. Pour les cinq autres jours de la semaine, il avait cinq promenades, toujours les mêmes, qui revenaient à jour fixe chaque semaine. Celle de la matinée où l’on devait voter était une des plus courtes et les pairs y avaient compté ; mais le Roi, ce qui était sans exemple, avait changé les ordres pour les relais et, de plus, commandé d’aller doucement.

En général, il voulait aller excessivement vite et toujours sur le pavé. Quelque poussière, quelque verglas qu’il pût y avoir, il ne ralentissait jamais son allure. Il en résultait des accidents graves pour les escortes, mais cela le laissait complètement impassible. Quand un homme était tombé on le ramassait ; cela ne faisait aucun émoi. Si c’était un officier, on envoyait savoir de ses nouvelles, et, si son cheval était estropié, on lui en donnait un. Il n’en était pas davantage.

Il fallait un motif politique pour influer sur les usages établis ; mais la niche du Roi n’eut pas de succès. Ses zélés serviteurs avaient eu la précaution de demander leur voiture dans la cour des Tuileries. Ils s’y jetèrent, en descendant du carrosse royal, et arrivèrent encore au Luxembourg à temps pour donner leur non aux demandes des ministres. Ils n’en furent pas plus mal traités dans les grands appartements, et beaucoup mieux au pavillon de Marsan.

Nous autres, constitutionnels ministériels, étions indignés ; mais les ultras, et même les courtisans plus raisonnables, étaient enchantés de cet acte d’indépendance.

Monsieur Canning se trouvait alors pour quelques jours à Paris. Je me souviens que, le soir même où la discussion sur ce procédé était assez animée, il entra chez madame de Duras. Elle l’interpella :