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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

milieu de cette sanglante ivraie. Aussi avons-nous vu depuis encenser jusqu’au nom de Robespierre.

Le troisième volume est presque entièrement écrit par Benjamin Constant ; la différence de style et surtout de pensée s’y fait remarquer. Il est plus amèrement républicain ; les goûts aristocratiques qui percent toujours à travers le plébéisme de madame de Staël ne s’y retrouvent pas.

Une fièvre maligne, dont je pensai mourir, me retint plusieurs semaines dans ma chambre. Je n’en sortis que pour soigner ma belle-sœur qui fit une fausse couche de quatre mois et demi et ne laissa pas de nous donner de l’inquiétude pour elle et beaucoup de regrets pour le petit garçon que nous perdîmes. Aussitôt qu’elle fut rétablie, je retournai à Londres.

L’affaire des liquidations, fixée enfin à seize millions pour les réclamations particulières, avait fort occupé mon père. Il avait sans cesse vu renaître les difficultés, qu’il croyait vaincues, sans pouvoir comprendre ce qui y donnait lieu. Une triste découverte expliqua ces retards.

La loyauté de monsieur de Richelieu avait dû se résigner aux roueries inhérentes aux nécessités gouvernementales. Il s’était apprivoisé depuis mon aventure au sujet du docteur Marshall. Le cabinet noir lui apporta les preuves les plus flagrantes de la façon dont monsieur Dudon, commissaire de la liquidation, vendait les intérêts de la France aux étrangers, à beaux deniers comptants.

Des lettres interceptées, écrites à Berlin, et lues à la poste de Paris, en faisaient foi. Le duc de Richelieu chassa monsieur Dudon honteusement ; mais, ne pouvant publier la nature des révélations qui justifiaient sa démarche, il se fit de monsieur Dudon un ennemi inso-