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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

« Si ce tableau était exact, il faudrait sur-le-champ rappeler nos troupes, former un cordon autour de la France et la laisser se dévorer intérieurement. Heureusement, monsieur le duc, nous avons des renseignements moins effrayants à opposer aux vôtres. »

L’expression de ces messieurs, en parlant de mon père, était que c’était dommage mais qu’il avait passé à l’ennemi. Quel bonheur pour la monarchie, si elle avait été exclusivement entourée de pareils ennemis ! Monsieur de Richelieu, selon eux, avait eu de bonnes intentions mais il était perverti.

Quant aux autres ministres, c’étaient des gueux et des scélérats : messieurs Decazes, Lainé, Pasquier, Molé, Corvetto ; il n’y avait rémission pour personne. À mesure que la libération de la patrie approchait, l’anxiété du parti redoublait. Je crois que c’est à cette époque que parut le Conservateur. Cette publication hebdomadaire avait pour rédacteur principal monsieur de Chateaubriand, mais tous les coryphées parmi les ultras y déposaient leur bilieuse éloquence. Cet organe a fait bien du mal au trône.

Jules de Polignac arriva le dernier en Angleterre ; il était porteur de la fameuse note secrète, œuvre avouée et reconnue de Monsieur, quoique monsieur de Vitrolles l’eut rédigée.

Jamais action plus antipatriotique n’a été conseillée à un prince ; jamais prince héritier d’une couronne n’en a fait une plus coupable. Les cabinets étrangers l’accueillirent avec mépris, et le roi Louis XVIII en conçut une telle fureur contre son frère que cela lui donna du courage pour lui ôter le commandement des gardes nationales du royaume.

Depuis longtemps les ministres sollicitaient du Roi de rendre au ministère de l’intérieur l’organisation des