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HENRI DE CHASTELLUX

tion si fatale à la Restauration, il s’est fait tellement détester qu’à la Révolution de 1830 il a été expulsé de sa ville épiscopale.

L’autre personne dont je veux noter le passage à Gênes est Henri de Chastellux. Âgé de 24 ou 25 ans, maître d’une fortune considérable, il était attaché à l’ambassade de Rome. Ce fut là qu’il apprit la trahison de son beau-frère, le colonel de La Bédoyère. Il en fut d’autant plus consterné qu’il aimait tendrement sa sœur et qu’il comprenait combien elle devait avoir besoin de consolation et de soutien, dans une pareille position, au milieu d’une famille aussi exaltée en royalisme que la sienne. Il obtint immédiatement un congé de son ambassadeur et, après avoir rangé ses papiers, fait ses malles, emballé ses livres et ses effets, il se jeta dans la carriole d’un voiturin avec lequel il avait fait marché pour le mener en vingt-sept jours à Lyon.

Les révolutions ne s’accommodent guère de cette allure. En arrivant à Turin, monsieur de Chastellux fut informé qu’il ne pouvait continuer sa route. Il vint à Gênes consulter mon père sur ce qu’il lui restait à faire. Il fut décidé qu’il irait rejoindre monsieur le duc d’Angoulême ; mon père lui dit qu’il le chargerait de dépêches. En effet, deux heures après, un secrétaire alla les lui porter ; il le trouva couché sur un lit, lisant Horace.

« Quand partez-vous ?

— Je ne sais pas encore. Je n’ai pas pu m’arranger avec les patrons qu’on m’a amenés, j’en attends d’autres.

— Vous n’allez pas par la Corniche ?

— Non, je compte louer une felouque. »

Le secrétaire rapporta les dépêches qu’on expédia par estafette.