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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

diplomatique, les chevaliers de l’Annonciade, les autres excellences, les cardinaux et les évêques étaient seuls admis dans la pièce où se préparait la cérémonie. Nous n’étions pas plus de trente, ma mère, madame Bubna et moi seules de femmes ; aussi étions-nous parfaitement bien placées.

Le coffre fut apporté par le chapitre qui en a la garde. Chaque boîte fut ouverte successivement, le grand personnage qui en conserve la clef la remettant à son tour, et un procès-verbal constatant l’état des serrures longuement et minutieusement rédigé. Ceci se passait comme une levée de scellé, et sans aucune forme religieuse, seulement le cardinal qui ouvrait les serrures récitait une prière à chaque fois.

Lorsqu’on fut arrivé à la dernière cassette, qui est assez grande et paraît toute brillante d’or, les oraisons et les génuflexions commencèrent. Le Pape s’approcha d’une table où elle fut déposée par deux des cardinaux ; tout le monde se mit à genoux, et il y eut beaucoup de formes employées pour l’ouvrir. Elles auraient été mieux placées dans une église que dans un salon où cette pantomime, vue de trop près, manquait de dignité.

Enfin le Pape, après avoir approché et retiré ses mains plusieurs fois, comme s’il craignait d’y toucher, tira de la boîte un grand morceau de grosse toile maculée. Il la porta, accompagné du Roi qui le suivait immédiatement et entouré des cardinaux, sur le balcon où il la déploya. Les troupes se mirent à genoux aussi bien que la population qui remplissait les rues derrière elles. Toutes les fenêtres étaient combles de monde ; le coup d’œil était beau et imposant.

On m’a dit qu’on voyait assez distinctement les marques ensanglantées de la figure, des pieds, des mains