Page:Nietzsche - Considérations Inactuelles, II.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Bref, ils trouvent toujours des raisons qui leur font e’ estimer qu’il est plus philosophique de ne rien savoir que d’apprendre quelque chose. Mais, quand ils se ’résîgnent àl apprendre, ils ont toujours la tendance secrète d’échapper aux sciences pour fonder un domaine obscur dans une de ses lacunes ou de ses régions inexplorées. C’est ainsi qu’ils précèdent la science seulement à la façon du gibier qui est toujours devant le 4 chasseur qui court après lui.

Dans ces derniers temps, ils se plaisent à affirmer qu’ils ne sont en somme que les garde-frontières et les ’ guetteurs de la science. Ils s’appuient en particulier sur la doctrine de Kant, dont ils s’appliquent à faire un oiseux scepticisme qui n’intéressera bientôt plus personne. Qà et là, l’un d’entre eux s’élève encore jusqu’à un petit système métaphysique, mais le seul résultat qu’il en tire c’est qu’il est pris de vertige, de maux de tête et de saignements de nez. Après avoir si souvent manqué le ’’’’ voyage dans la brume et les nuages, après avoir été à chaque instant pris par les cheveux et ramené auxi réalihïs par un rude disciple à tête dure de la vraie science, il ne reste plus sur son visage que l’expression habituelle de 1’homme timoré et du chien battu. Ils ont complètement perdu la joyeuse espérance, au point qu’aucun d’eux ne fait plus un pas pour complaire à sa philosophie. Autrefois, quelques-uns pensaient pouvoir inventer de nouvelles religions ou remplacer des sys- j tèmes anciens par le leur. Maintenant une pareille présomption s’est éloignée d’eux ; ils sont généralement — gens pieux, timides et obscurs, on ne les trouve jamais braves comme Lucrèce, ni indignes de l’oppression qui ~ »