Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/11

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Or, je commence à douter de plus en plus, qu’il soit possible de donner à la bravoure allemande cette direction nouvelle, et, depuis la guerre, cela me paraît de jour en jour plus improbable. Car je vois chacun pénétré de la conviction qu’une pareille lutte et une pareille bravoure ne sont plus du tout nécessaires, qu’au contraire la plupart des choses sont ordonnées aussi bien que possible, et qu’en tous les cas, tout ce qui importe a été trouvé et exécuté depuis longtemps, bref, que la meilleure graine de la culture a déjà été semée partout, au point qu’elle s’épanouit déjà, çà et là, dans sa fraîche verdure, ou même dans sa floraison luxuriante. Sur ce domaine ce n’est pas seulement de la satisfaction, c’est le bonheur et l’ivresse. Je retrouve cette ivresse et ce bonheur dans l’attitude singulièrement assurée des journalistes allemands et des fabricants de romans, de tragédies, de poèmes et de livres d’histoire, car il est visible que tous ces gens-là appartiennent à une même compagnie qui semble s’être conjurée pour prendre possession des heures de loisirs et de digestion de l’homme moderne, c’est-à-dire des instants où celui-ci désire s’instruire, pour le stupéfier alors en l’accablant de papier imprimé. Depuis la guerre, cette compagnie ne se tient plus de bonheur, de gravité et de prétentions. Car, après de pareils « succès de la culture allemande », elle croit non seulement avoir trouvé la confirmation d’elle-même, mais encore qu’elle a été