Page:Nietzsche - Considérations inactuelles, I.djvu/99

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seulement dans la simplicité de l’expression : sa force démesurée se joue du sujet, serait-il même dangereux et difficile. Personne ne marche d’un pas ferme lorsque le chemin est inconnu et semé de mille précipices : mais le génie s’engage en courant sur un pareil sentier, il fait des sauts hardis et gracieux, et se moque de celui qui mesure ses pas avec crainte et précaution.

Strauss sait fort bien que les problèmes devant lesquels il passe en courant sont sérieux et terribles et que des sages de tous les temps les ont considérés comme tels, et malgré cela il appelle son livre court-vêtu. De toutes ces terreurs, de la sombre gravité de la méditation, où l’on tombe d’ordinaire insensiblement, en face du problème de la valeur de l’existence et des devoirs de l’homme, rien ne demeure plus, lorsque le génial magister fait ses tours devant nous, « court-vêtu avec intention » ; oui, plus court-vêtu que son Rousseau, dont il sait nous dire qu’il se dépouillait par en bas et se drapait par en haut, tandis que, selon lui, Gœthe se drapait en bas et se dépouillait en haut. Il paraît que les génies tout à fait naïfs ne se drapent pas du tout. Il se pourrait donc que le mot « court-vêtu » ne soit qu’un euphémisme pour indiquer la nudité complète. Le peu de gens qui ont vu la déesse Vérité prétendent qu’elle était nue. Et peut-être aux yeux de ceux qui ne l’ont point vue, mais qui ont foi en ce petit nombre de gens, le