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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES

fait tant de bien qu’on la « tient pour vraie ». Preuve du plaisir (« de la force ») comme critérium de la vérité. — L’instinct de cause dépend donc du sentiment de la peur qui le produit. Le « pourquoi », autant qu’il est possible, ne demande pas l’indication d’une cause pour l’amour d’elle-même, mais plutôt une espèce de cause — une cause qui calme, délivre et allège. La première conséquence de ce besoin c’est que l’on fixe comme cause quelque chose de déjà connu, de vécu, quelque chose qui est inscrit dans la mémoire. Le nouveau, l’imprévu, l’étrange est exclu des causes possibles. On ne cherche donc pas seulement à trouver une explication à la cause, mais on choisit et on préfère une espèce particulière d’explications, celle qui éloigne le plus rapidement et le plus souvent le sentiment de l’étrange, du nouveau, de l’imprévu, — les explications les plus ordinaires. — Qu’est-ce qui s’en suit ? Une évaluation des causes domine toujours davantage, se concentre en système et finit par prédominer de façon à exclure simplement d’autres causes et d’autres explications. — Le banquier pense immédiatement à « l’affaire », le chrétien au « péché », la fille à son amour.

6.

Tout le domaine de la morale et de la religion doit être rattaché à cette idée des causes imaginaires. — « Explication » des sentiments généraux désagréables. — Ces sentiments dépendent des êtres qui sont nos ennemis (les mauvais esprits : c’est le cas