qu’ici l’on obéit encore sans que l’obéissance humilie… et personne ne méprise son adversaire…
On voit que je ne demande pas mieux que de rendre justice aux Allemands : en cela je ne voudrais pas me manquer à moi-même — il faut donc aussi que je leur fasse mes objections. Il en coûte beaucoup d’arriver au pouvoir : le pouvoir abêtit… Les Allemands — on les appelait autrefois un peuple de penseurs : je me demande si, d’une façon générale, ils pensent encore aujourd’hui ? Les Allemands s’ennuient maintenant de l’esprit, les Allemands se méfient maintenant de l’esprit. La politique dévore tout le sérieux que l’on pourrait mettre aux choses vraiment spirituelles. — « L’Allemagne, l’Allemagne par-dessus tout[1] », je crains bien que cela n’ait été là, la fin de la philosophie allemande… « Il y a-t-il des philosophes allemands ? il y a-t-il des poètes allemands ? il y a-t-il de bons livres allemands ? » — Telle est la question que l’on me pose à l’étranger. Je rougis, mais avec la bravoure qui m’est propre, même dans les cas désespérés, je réponds : « Oui, Bismarck ! » Avais-je donc le droit d’avouer quels livres on lit aujourd’hui ?… Maudit instinct de la médiocrité ! —
— Ce que pourrait être l’esprit allemand, qui n’a pas déjà fait là-dessus des réflexions profondément douloureuses ! Mais ce peuple s’est abêti à plaisir depuis près de mille ans : nulle part on n’a abusé
- ↑ Premier vers d’un chant national allemand. — N. du T.