devant mes yeux : j’ai écarté le rideau de la
corruption des hommes. Ce mot dans ma bouche est au
moins à l’abri d’un soupçon, celui de contenir une
accusation morale de l’homme. Je l’entends — il
importe de le souligner encore une fois — dépourvu
de moraline : et cela au point que je ressens cette
corruption précisément aux endroits où, jusqu’à nos
jours, on aspirait le plus consciencieusement à la
« vertu », à la « nature divine ». J’entends
corruption, on le devine déjà, au sens de décadence : je
prétends que toutes les valeurs qui servent aujourd’hui
aux hommes à résumer leurs plus hauts désirs sont
des valeurs de décadence.
J’appelle corrompu soit un animal, soit une espèce, soit un individu, quand il choisit et préfère ce qui lui est désavantageux. Une histoire des « sentiments les plus élevés », des « idéaux de l’humanité » — et il est possible qu’il me faille la raconter — donnerait presque l’explication, pourquoi l’homme est si corrompu. La vie elle-même est pour moi l’instinct de croissance, de durée, l’accumulation des forces, l’instinct de puissance : où la volonté de puissance fait défaut, il y a dégénérescence. Je prétends que cette volonté manque dans toutes les valeurs supérieures de l’humanité — que des valeurs de dégénérescence, des valeurs nihilistes, règnent sous les noms les plus sacrés.
On appelle le christianisme religion de la pitié — La pitié est en opposition avec les affections toni-