réalité avaient contre elles les plus profonds instincts
des classes dirigeantes, une forme d’inimitié contre
la réalité, inimitié à mort qui n’a pas été dépassée
depuis lors. Le « peuple élu », qui n’avait gardé pour
toutes choses que des valeurs de prêtres, des mots
de prêtres et qui a séparé de soi, avec une logique
implacable, comme chose « impie, monde, péché »,
tout ce qui restait encore de puissance sur la terre,
ce peuple créa pour ses instincts une dernière
formule, conséquente jusqu’à la négation de soi :
il finit par renier, dans le christianisme, la dernière
forme de la réalité, le « peuple sacré », le « peuple
des Élus », la réalité juive elle-même. Le cas est de
tout premier ordre : le petit mouvement
insurrectionnel, baptisé au nom de Jésus de Nazareth, est
une répétition de l’instinct juif, autrement dit,
l’instinct sacerdotal qui ne supporte plus la réalité du
prêtre, l’invention d’une forme de l’existence encore
plus retirée, d’une vision du monde encore plus
irréelle que celle que stipule l’organisation de
l’Église. Le christianisme nie l’Église…
Je ne vois pas contre qui était dirigée l’insurrection dont Jésus passa, à tort peut-être, pour être le promoteur, si cette insurrection n’était pas dirigée contre l’Église juive, Église pris exactement dans le sens que nous donnons aujourd’hui à ce mot. C’était une insurrection contre « les bons et les justes », contre les « saints d’Israël », contre la hiérarchie de la société, non pas contre la corruption de la société, mais contre la caste, le privilège, l’ordre, la formule. C’est un manque de foi en les « hommes supérieurs », un non prononcé contre tout ce qui