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L’ANTÉCHRIST


« éternel », tandis qu’avec une autre conduite on ne se sentirait absolument pas « au ciel » : cela seul est la réalité psychologique de la « rédemption ». — Une vie nouvelle et non une foi nouvelle…

34.

Si je comprends quelque chose chez ce grand symboliste, c’est bien le fait de ne prendre pour des réalités, pour des vérités, que les réalités intérieures — que le reste, tout ce qui est naturel, tout ce qui a rapport au temps et à l’espace, tout ce qui est historique ne lui apparaissait que comme des signes, des occasions de paraboles. L’idée du « fils de l’homme » n’est pas une personnalité concrète qui fait partie de l’histoire, quelque chose d’individuel, d’unique, mais un fait « éternel », un symbole psychologique, délivré de la notion du temps. Ceci est vrai, encore une fois, et dans un sens plus haut, du Dieu de ce symboliste type, du « règne de Dieu », du « royaume des cieux », du « fils de Dieu ». Rien n’est moins chrétien que les crudités ecclésiastiques d’un Dieu personnel, d’un « règne de Dieu » qui doit venir, d’un « royaume de Dieu » au delà, d’un « fils de Dieu », seconde personne de la trinité. Tout cela est — qu’on me pardonne l’expression — le coup de poing dans l’œil — oh dans quel œil ! — de l’Évangile : un cynisme historique dans l’insulte du symbole… Pourtant on voit clairement — pas tout le monde, j’en conviens — ce qui est indiqué par les signes de « père » et de « fils » : le mot « fils » exprime la pénétration dans le sentiment de la « transfiguration » géné-