ces deux buts. Le critique du christianisme ne
peut se dispenser de le rendre méprisable. — Une
loi comme celle de Manou s’élabore, comme
tous les bons codes : elle résume la pratique, la
prudence et la morale expérimentale de quelques
milliers d’années, elle conclut, elle ne crée plus
rien. Les conditions premières pour une codification
de cette espèce, ce serait de se convaincre que les
moyens, pour créer de l’autorité à une vérité
lentement et difficilement acquise sont tout différents de
ceux par lesquels on aurait démontré cette vérité.
Un code ne raconte jamais, dans sa préface, l’utilité,
la raison, la casuistique de ses lois : cela lui ferait
perdre son ton impératif, le « tu dois » — première
condition pour se faire obéir. C’est là que se trouve
exactement le problème. — En un certain point du
développement d’un peuple, son livre le plus
circonspect, celui qui aperçoit le mieux le passé et
l’avenir, déclare arrêter la pratique d’après laquelle
on doit vivre, c’est-à-dire d’après laquelle on peut
vivre. Son but est de récolter, aussi richement et
aussi complètement que possible, les expériences
des temps mauvais. Ce qu’il faut donc éviter surtout,
c’est de continuer à faire des expériences, de
continuer à l’infini l’état instable de l’étude, de l’examen,
du choix, de la critique des valeurs. On y oppose un
double mur : d’une part, la révélation, c’est-à-dire
l’affirmation que la raison de ces lois n’est pas
d’origine humaine, qu’elle n’a pas été cherchée et trouvée
lentement, avec des méprises, qu’elle est d’origine
divine, entière, parfaite, sans histoire, qu’elle est
un présent, un miracle rapporté. D’autre part, la
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L’ANTÉCHRIST