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NIETZSCHE CONTRE WAGNER

Dieu qui serait tout particulièrement un Dieu de malades, un Sauveur, et aussi besoin de logique, d’intelligibilité abstraite de l’existence, accessible même pour des idiots — les « libres-penseurs » types, tout comme les idéalistes et les « belles âmes », sont tous des décadents — bref d’une certaine intimité étroite et chaude qui dissipe la crainte et d’un emprisonnement dans des horizons optimistes qui permet l’abêtissement… Ainsi j’ai appris peu à peu à comprendre Épicure, l’opposé d’un Grec dionysien, et aussi le chrétien qui, de fait, n’est qu’une façon d’Épicurien et qui, avec son principe « la foi sauve », ne fait que suivre le principe de l’hédonisme : aussi loin que possible — jusque par delà toute probité intellectuelle… Si j’ai quelque avance sur tous les psychologues, c’est que je possède un peu plus d’acuité dans ce genre de conclusions si difficile et si captieux, où l’on commet le plus d’erreurs — la conclusion de l’œuvre au créateur, du fait à l’auteur, de l’idéal à celui pour qui il est une nécessité, de toute manière de penser et d’apprécier au besoin qui la commande. — À l’égard des artistes de toute espèce je me sers maintenant de cette distinction capitale : est-ce la haine contre la vie ou bien l’abondance de vie qui est devenue créatrice ? En Gœthe, par exemple, l’abondance devint créatrice, en Flaubert la haine : Flaubert, réédition de Pascal, mais sous les traits d’un artiste, ayant comme base ce jugement instinctif : « Flaubert est toujours haïssable, l’homme n’est rien, l’œuvre est tout »… Il se torturait lorsqu’il écrivait, absolument comme Pascal se torturait lorsqu’il pensait — ils ressentaient tous deux d’une façon « altruiste »…