Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/250

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nonça à Corinthe, en présence d’un magistrat romain, Annæus Gallio, avait dû nécessairement frapper l’opinion de ses contemporains et surtout de ces Grecs et de ces philosophes, si curieux de nouveauté. Et comment Gallio n’aurait-il pas informé son frère bien-aimé, Sénèque, qui lui dédiait ses traités De Ira et De Vita beata, des doctrines et de la célébrité de ce Grec, de ce Juif, qui allait à Rome pour y faire des prosélytes, et cela jusque dans la maison de Néron. Les doctrines de Sénèque, d’ailleurs, ne sont-elles pas là pour attester ce contact nécessaire de la philosophie païenne et de la philosophie chrétienne ? Le stoïcisme de Sénèque, en effet, remplace l’ancien fatum, arbitre aveugle de nos destinées, par la Providence, par un Dieu père que nous devons honorer et aimer ; il croit à l’immortalité de l’âme et à une lutte que l’esprit doit soutenir ici-bas contre la chair, ennemi dont il ne peut triompher que par un secours divin : la grâce ; il se sent rempli d’une singulière pitié pour toutes les douleurs humaines et surtout pour l’esclave issu d’une même race que nous… Non, je ne puis m’empêcher de croire que ce stoïcien ne porte l’empreinte du philosophe chrétien qui était à Rome en même temps que Sénèque et qui devait y mourir plus glorieusement que lui !

Lorsque les apologies de Quadratus, évêque d’Athènes, d’Athénagore, de saint Justin, de Tertullien, d’Apollonius, sénateur romain, ont circulé dans tous les rangs de la société romaine ; lorsque les chrétiens, de jour en jour plus nombreux, peuvent déjà remplir le