Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/564

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positons le ravissaient. Au jour solennel où le roi recevait les hommages des grands, quand la foule des seigneurs se pressaient autour du trône pour y déposer les présents de la nouvelle année, les uns pliant sous le poids de l’or et de l’argent, les autres portant des tissus de pourpre ou des monceaux de pierreries dans des bassins de précieux métal, d’autres conduisant des chevaux superbes qui blanchissaient d’écume leurs freins dorés, un moine irlandais fendait la presse, déroulait un parchemin aux lettres enluminées, et voulait aussi, disait-il, présenter son offrande. Sur un signe du prince, le silence se faisait ; l’étranger invoquait sa muse, « celle qui, seule entre toutes, se laissa captiver par la douceur des chants, et qui préféra le charme des vers aux richesses du monde. » C’était d’elle qu’il attendait des accents dignes d’un si grand roi, et il entreprenait de chanter la première discorde qui troubla la paix des princes Tassillon, duc des Bavarois, prêtant, l’oreille au même tentateur qui trompa les premiers époux ; Charles couvrant le Rhin de ses flottes, et la Germanie ébranlée sous les pas de ses armées ; enfin le rebelle dompté, et venant embrasser les genoux du vainqueur. A la coupe de ces hexamètres, à la chute des périodes harmonieuses qui rappelaient quelquefois la manière des anciens, les grammairiens du palais devaient se reconnaître surpassés. Et les guerriers même ne pouvaient se défendre