Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/149

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docteurs en droit : parmi eux, les princes choisissaient leurs chanceliers, et les communes leurs podestats. D’ailleurs, chez les Italiens du treizième siècle, âpres au gain et processifs comme les vieux Romains, un jurisconsulte de quelque renom ne paraissait point sur la place publique sans un nombreux cortège de clients. Jacques, revenu dans sa ville natale, négligea les honneurs pour la fortune ; il la poursuivit avec plus d’habileté que de scrupule ; et, comme le Digeste et le Code n’avaient pas de labyrinthes si tortueux dont il ne tînt le fil, en patronnant les affaires de ses concitoyens, il eut bientôt rétabli les siennes. À tant de prospérités il crut avoir ajouté le bonheur véritable, lorsque, entre toutes les jeunes filles de Todi, il se fut choisi une compagne parfaitement belle, avec tous les dons de la richesse, de la naissance et de la vertu. Mais c’était là que l’attendait un de ces coups terribles qui forcent les hommes de se souvenir de Dieu.

Il arriva qu’un jour de l’année 1268[1] la ville de Todi célébrait des jeux publics. La jeune épouse du jurisconsulte fut invitée ; elle prit place sur une estrade couverte de nobles femmes, pour jouir de la fête et pour en faire le plus aimable orne-

  1. C’est la première date certaine que nous trouvons dans la vie de Jacopone. Aucun historien, aucun acte public ne fixe l’année de sa naissance ; nous savons seulement qu’en 1298, il y avait vingt ans qu’il était entré en religion, et qu’il y entra dix ans après la mort de sa femme.