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construire les vaisseaux est le triomphe de l’Amérique, &, avec le temps, elle surpassera, en ce genre, le monde entier. Les grands empires de l’orient sont presque tous dans l’intérieur des terres : ils sont, par conséquent, hors d’état de la rivaliser ; l’Afrique est plongée dans la barbarie, & aucune puissance européenne n’a une aussi grande étendue de côtes, ou des matériaux aussi abondans ; si la nature en a favorisé quelques-unes du premier de ces avantages, elle leur a refusé l’autre ; elle ne les a prodigués tous les deux qu’à la seule Amérique. Le vaste empire de Russie n’a presque point de mer, ce qui fait que son goudron, ses immenses forêts, son fer & ses cordages ne forment pour lui que des branches de commerce.

Si nous avons égard à notre sûreté, pouvons-nous nous passer de flotte ? Nous ne sommes plus ce que nous étions il y a soixante ans. Alors, nation peu nombreuse, nous aurions pu laisser nos effets dans les rues, ou plutôt dans les champs, & dormir tranquillement sans avoir de bareaux à nos fenêtres ou de verroux à nos portes ; les temps sont changés & nos moyens de défense doivent se perfectionner à proportion de l’accroissement de nos propriétés. Il y a un an qu’un simple pirate auroit pu remonter la Delaware, & mettre Philadelphie à contribution pour quelle somme il auroit voulu, & la même chose auroit pu se renouveller en d’autres endroits ; je dis plus : un drôle entreprenant, sur un brigantin de quatorze ou de seize canons, auroit pu voler ainsi dans toute l’étendue du continent, & emporter un million de numéraire. Ce sont là des objets qui demandent notre attention, & nous prouvent la nécessité d’une marine qui nous protège.

On m’objectera peut-être que l’Angleterre nous protégera quand nous aurons fait notre paix avec elle. Aurions-nous la sotise de croire qu’elle entre-