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les antinomies entre l’individu et la société

véridique, dit Nietzsche, c’est mentir avec le troupeau. »

Il y a un mensonge de groupe négatif qui consiste à taire ou à dissimuler ou à nier une vérité fâcheuse ou gênante pour le groupe ou encore à ne présenter qu’un aspect des choses, l’aspect favorable aux visées du groupe et à laisser l’autre dans l’ombre. Il y a un mensonge positif qui consiste dans une entente, une complicité pour dénaturer et falsifier certains faits, pour évaluer faussement les actes et le caractère des gens, selon les intérêts et les passions du groupe.

Toute société vit d’illusion et de mensonge collectif. Elle a pour ennemies naturelles la clairvoyance et la sincérité des individus. Mais ces deux éléments : illusion, mensonge, sont malaisés à discerner dans les choses sociales et fausses comme les appelle A. de Vigny. — Le plus souvent, ils sont si bien emmêlés et enchevêtrés qu’il est impossible de déterminer la part exacte qui revient à l’un et à l’autre élément dans les croyances collectives. Ce mélange peut paraître difficilement intelligible à qui regarde les choses du point de vue de la pure logique intellectuelle, de la logique fondée sur le principe de contradiction. Mais les règles de la logique intellectuelle ne s’appliquent pas à l’esprit de groupe. L’esprit de groupe obéit à la logique du sentiment, du désir : à la logique de l’utilité qui se moque du principe de