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l’antinomie dans la vie intellectuelle

saire au savant absorbe de plus en plus son originalité : le poids de l’érudition alourdit les esprits. La compétence comme savoir, comme instruction, comme technique ne garantit pas la compétence comme valeur intellectuelle. Pour toutes ces raisons on peut se demander si l’état actuel de la connaissance n’est pas un acheminement vers la monotonie, vers la stagnation et la médiocrité intellectuelles.

D’autres motifs de découragement s’offrent au penseur. La plupart de ceux qui ont apporté une idée nouvelle ont douté de la valeur de leur pensée quand ils, ont vu la disproportion qui existait entre leur idéal et les aspirations de leur milieu. Ils ont douté qu’il y ait une vérité humaine, une vérité sociale et morale capable de rallier et d’unifier les intelligences. C’est là l’éternelle histoire du Chatterton de Vigny, du prêtre de Némi de Renan et de tant d’autres. Le penseur est un aristocrate, un ariste. Comme tel, il est toujours un isolé. Il n’est jamais le nombre ; il n’incarne jamais l’esprit du groupe.

S’unira-t-il aux autres penseurs ? Formera-t-il avec eux une élite intellectuelle, une aristocratie qui imposera au peuple des pensées nouvelles et supérieures ? C’est là un rêve, de philosophes et ce rêve n’est pas toujours bien attrayant si nous nous reportons à celui que Renan a exposé dans ses Dialogues