Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/180

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breux et importants. La conscience sociale tend naturellement à opprimer la conscience individuelle. Les grandes institutions sociales qu’on appelle une religion, une législation, une caste, une classe, tendent à se subordonner complètement l’individu. Toutefois, l’individu peut réagir et refuser de se laisser absorber et envahir par le groupe. La multiplicité même des cercles sociaux auxquels il participe peut être pour lui un moyen de libération, un moyen de dominer ces influences sociales dont chacune cherche à l’accaparer pour son compte. Il concentre dans sa conscience ces influences diverses, parfois antagonistes, et les combine quand il en a l’énergie intellectuelle, en une formule qui lui est propre. Ici agit la loi de différenciation sociale progressive de Simmel. Plus l’évolution avance, plus elle multiplie autour de l’individu les cercles sociaux et les influences sociales ; plus par là elle favorise son originalité et son indépendance. Et l’on arrive à ce fait paradoxal en apparence que l’indépendance de l’individu est en raison directe du nombre des cercles sociaux auxquels il participe.

Souvent il y a antinomie entre le progrès de la société et le progrès de la conscience individuelle. Mais lorsque le progrès de la société est en contradiction avec le progrès de l’individu, ce n’est qu’une apparence de progrès ; c’est un progrès faux et éphémère. C’est souvent un recul. Une société tend à enfermer l’individu dans la gangue de ses institutions stationnaires. Elle est essentiellement misonéiste et antiprogressiste. La conscience individuelle est la mère du Progrès ; elle est le germe mystérieux qui porte en lui l’avenir, semblable à la première cellule élémentaire, éclosion obscure et inquiète de la vie, qui portait en elle la genèse immense des vies futures. Toutes les fois qu’un progrès a été accompli, il l’a été par la conscience individuelle. « Les hommes, disait Galilée, ne sont pas semblables à des chevaux attachés à une voiture et qui