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DES METAVX

se trouue vne grande quantité de poissons portans chascun vne coquille sur le dos, lequel s’atache contre le roc, et par ce qu’il est couuert de sa coquille, il forme au dessus d’icelle six trous, pour auoir air, ou pour receuoir nourriture ; et ainsi qu’il augmente sa coquille il fait vn nouueau trou, et en ferme un autre ; La plus grande desdites coquilles n’est pas plus grande que la main de l’homme : Le dedans de ladite coquille est de couleur de perle, et plus beau : par ce qu’il tient des couleurs de l’arc celeste, comme la pierre que l’on appelle opale : Le dessus de ladite coquille est assez rude et mal plaisant, à cause de l’eau de la mer qui donne dessus : Mais quant la croûte en est ostée, le dessus de ladite coquille est aussi beau que le dedans. Ledit poisson n’a aucune forme, et toutesfois il sçait faire ce que les alchymistes ne sçauroyent faire. Il y a vne isle en laquelle se trouve si grande quantité dudit poisson, que les habitans d’icelle en engraissent les pourceaux, et pour les arracher de leurs coquilles, ils les font bouillir, et font brusler lesdites coquilles, pour faire de la chaux.

Theorique.

Pourquoy est ce que tu me fais vn si long discours d’vne coquille, veu que nostre propos n’est autre que du fait de l’alchimie ?

Practique.

C’est pour vaincre ton erreur et de tous ceux qui sont de ton opinion, que i’ay mis en auant vn poisson le plus difforme que l’on sçauroit trouuer en toutes les parties maritimes, lequel sçait faire vne maison peinte d’vne telle beauté que tous les alchimistes du monde n’en sçauroyent faire vne semblable. I’ay plusieurs fois admiré les couleurs qui sont esdites coquilles, et n’ay peu comprendre la cause d’icelles : toutefois enfin i’ay considéré que la cause de l’arc celeste n’estoit sinon d’autant que le Soleil passe directement au trauers des pluyes qui sont opposites de l’aspect du Soleil : car l’on ne vist iamais l’arc celeste que le Soleil ne luy fust opposite ; Aussi ne vist on iamais l’arc celeste que la pluye ne tombast deuers la partie de sa formation : Suyuant quoy i’ay pensé que quand ledit poisson fait sa maison, il se met sur quelque roche, à l’endroit de laquelle l’eau de la mer n’a pas beaucoup d’espoisseur, et que pendant le temps que ledit poisson forme sa maison, le Soleil donne au trauers de l’eau et cause les