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POUR LES CURÉS DE PARIS.


cun pacte obligatoire, il ne commettra pas de simonie contre le droit ecclésiastique.

Car il est si visible que c’est contre leur conscience qu’ils allèguent saint Thomas sur ce sujet, que leur apologiste même (p. 61) reconnoît formellement que saint Thomas est contraire à cette opinion de Valentia ; et que, sans s’arrêter à cette distinction chimérique entre prix et motif, il condamne de simonie tous ceux qui reçoivent de l’argent pour des choses spirituelles, lorsque leur fin principale est de recevoir cet argent.

« Il semble, dit-il, que saint Thomas tienne que, si la fin principale que prétend celui qui fait la fonction spirituelle, est de recevoir de l’argent, il est censé vendre la fonction spirituelle, et est simoniaque. Maior est de même sentiment. » Voilà la doctrine qu’il a reconnue être de saint Thomas, mais qu’il dit avoir été rejetée avec raison par les casuistes, avec lesquels il soutient que, quoique l’on ait pour fin principale, en donnant de l'argent, d’obtenir un bénéfice, on ne commet pourtant point de simonie contre le droit divin, pourvu qu’on ne le donne pas comme égal à la chose spirituelle : ce qu’il appelle le donner comme prix.

Cependant les jésuites voyant qu’on étoit prêt de censurer cette doctrine en Sorbonne, pour arrêter les esprits par une autorité plus considérable que celle des casuistes, ils allèguent hardiment, dans une feuille nouvellement imprimée, le même saint Thomas, qu’ils avoient eux-mêmes reconnu être contraire à cette doctrine. « Outre dit-il, ce qui a été dit dans les éclaircissemens, pour prouver que, sans la volonté d’égaler une chose temporelle à une spirituelle, il n’y a point de simonie contre le droit divin, j’ajoute l’autorité de deux théologiens, saint Thomas et Gerson. Saint Thomas (4, dist. xxv , quœst. 1) : « Sacramenta emi aut vendi non possunt sine simonia, quia pretium emptionis ponitur quasi men sura adaequans ad illud quod emitur. »

Il est vrai que ces paroles sont de saint Thomas : mais il est vrai que c’est en abuser indignement, que d’y donner le sens que cet apologiste y donne, étant clair par toute la suite de sa doctrine, qu’il a cru que donner un bénéfice pour de l'argent, comme pour la fin et le motif principal, et le donner comme prix, n’étoit que la même chose ; et que de là il a conclu que tous ceux qui donnoient ainsi des bénéfices pour recevoir de l’argent, le donnoient comme prix, et par ce moyen égaloient véritablement les choses spirituelles aux temporelles, encore qu’ils n’y pensent pas.

Ce qui paroîtra par quelques remarques que nous ferons sur la doctrine de ce saint, non pour faire un crime aux jésuites de ne pas la suivre en tout, car on auroit tort d’attendre d’eux une si grande pureté ; mais pour leur faire voir simplement combien ils imposent à ce saint. La première est, que saint Thomas n’a jamais cru que pour être simoniaque, en donnant de l'argent pour obtenir une dignité ecclésiastique, il fût nécessaire d’avoir la pensée que cet argent étoit un prix égal à cette dignité ; car cette pensée seroit fausse et hérétique. Or saint Thomas dit que pour l’ordinaire la simonie n’est point accompagnée de faux