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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

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Observe ce que réclame de toi la nature, en tant que[1] ce n’est qu’une simple nature qui te gouverne ; puis fais-le, accepte-le, si ta nature d’être vivant ne doit pas en souffrir. Observe ensuite ce que réclame ta nature d’être vivant et accepte-le sans réserve, si ta nature d’être raisonnable ne doit pas en souffrir. La raison mène, d’ailleurs, droit à la solidarité. Suis ces règles et ne cherche rien de plus.

3

Tout ce qui t’arrive est tel que tu es [naturellement] capable ou incapable de le supporter. S’il t’arrive des choses[2] telles que tu sois [naturellement] capable de les supporter, ne te fâche point, mais supporte-les comme tu en es capable. Si elles sont telles que tu sois [naturellement] incapable de les supporter, ne te fâche point ; elles épuisent tes forces, mais s’anéantissent elles-mêmes en même temps. Rappelle-toi, toutefois, que tu es [naturellement] capable de supporter tout ce qu’il dépend de ton jugement de rendre supportable et tolérable, en te représentant que tel est ton intérêt ou ton devoir[3].

4

S’il se trompe, avertis-le avec bonté, et montre-lui son erreur. Si tu n’y réussis pas, accuse-toi toi-même, ou mieux ne t’accuse même pas[4].

5

Quelque chose qui t’arrive, elle t’avait été préparée à l’avance de toute éternité ; l’enchaînement des causes comprenait de

  1. [Couat : « puisque c’est la nature seule qui te gouverne. » — Sur le sens du mot φύσις, sur la gradation de la « simple nature » qui est dans la plante à l’âme raisonnable et sociable, cf. supra VI, 14, note 2, rectifiée aux Addenda. Voir aussi le début de la pensée VI, 16.]
  2. [Sur le sens de τὸ συμϐαῖνον, cf. supra IX, 31, 2e note ; VIII, 7, 6e note.]
  3. [Couat : « de rendre tolérable ou intolérable, selon l’idée que tu te fais de ton intérêt ou de ton devoir. » — La méprise du traducteur à propos d’ἀνεκτὸν est évidente. Sur le rapport des deux notions du συμφέρον et du καθῆκον (l’intérêt et le devoir), cf. la dernière note du livre III reportée en Appendice.]
  4. [Car (supra VIII. 17) « il ne faut rien faire inutilement ».]